Comme chaque année, l’association Dons Solidaires et l’IFOP dévoilent les résultats de leur baromètre destiné à mesurer les opinions et comportements des Français à l’égard des fêtes de Noël. Cette étude revêt une importance particulière dans un contexte où les restrictions budgétaires touchant les dépenses de Noël constituent un marqueur significatif de précarité. En effet, au-delà de leur dimension matérielle, les renoncements aux cadeaux et aux festivités traduisent souvent une forme d’exclusion sociale, particulièrement douloureuse durant cette période traditionnellement associée au partage et à la convivialité. Après une année 2023 marquée par une hausse importante des restrictions, cette nouvelle vague d’enquête permet d’établir un diagnostic approfondi de la situation des ménages français, particulièrement des familles avec enfants, alors que l’inflation semble marquer le pas.
2024 : Vers un Noël réenchanté ?
La nouvelle édition du baromètre Dons Solidaires / IFOP révèle une situation contrastée. L’année 2024 marque une inflexion positive dans le ressenti économique des Français. Pour la première fois depuis le retour de l’inflation, la proportion de ceux qui craignent de ne pas finir le mois passe sous la barre symbolique des 50 % (49 %, -8 points vs 2023). Dans le même temps, le sentiment de risque de basculement dans la pauvreté diminue (41 %, -4 points) et la crainte de devoir recourir aux associations alimentaires recule significativement (21 %, -6 points).
Cette amélioration du climat économique se reflète dans les intentions d’achat pour Noël. La part des parents prévoyant un budget en baisse retrouve son niveau pré-inflation (46 %, -8 points) et près d’un tiers n’envisage pas de faire de concessions sur d’autres dépenses (29 %, +8 points). Plus encourageant encore, la proportion de ceux qui déclarent pouvoir acheter ce qu’ils veulent progresse légèrement (46 %, +5 points).
Familles monoparentales et parents modestes : les oubliés de la fête
Malgré ces signaux positifs, l’analyse détaillée révèle des fractures sociales profondes. La situation des familles monoparentales apparaît particulièrement préoccupante. Plus de la moitié d’entre elles (51 %) ressentent des difficultés financières chroniques, soit près du double de la moyenne nationale (27 %). Les fêtes de Noël suscitent moins d’engouement chez ces foyers, voire évoquent des sentiments négatifs pour beaucoup : la moitié ressent de l’inquiétude (50 % contre 29 % en moyenne), et presque autant éprouvent de la tristesse (47 % contre 28 %). Formant la majorité de ces ménages, les mères célibataires sont par ailleurs deux fois plus nombreuses à prévoir de passer Noël seules (32 % contre 16 %).
Les catégories modestes et pauvres sont également particulièrement touchées. Les Français appartenant aux catégories « pauvres » sont deux fois plus susceptibles de ressentir des émotions négatives : 42 % se disent inquiets (contre 12 % des hauts revenus) et 41 % sont tristes à la perspective du réveillon (contre 16 %). Une nette majorité de parents précaires continue à attribuer un budget moins élevé pour leurs cadeaux (58 %, 11 points de plus que la moyenne).
Le point de vue de François Legrand, Directeur d’études à l’IFOP
Les résultats du baromètre montrent une amélioration sensible tant du point de vue du moral économique des Français que des intentions d’achat pour les fêtes. La crainte de ne pas finir le mois recule significativement (49 %, -8 points), tout comme la propension des parents à réduire leurs dépenses de Noël. Pour autant, cette embellie masque une réalité sociale plus complexe. Les fêtes de fin d’année agissent comme un révélateur particulièrement puissant des fractures qui traversent notre société. La situation des familles monoparentales est à cet égard emblématique. Ces foyers, majoritairement dirigés par des femmes, cumulent précarité économique chronique et isolement social. Un tiers d’entre elles passeront Noël seules, une proportion qui interroge sur l’effritement des solidarités traditionnelles. Plus largement, l’émergence de nouvelles pratiques de consommation – succès de l’occasion, priorisation des achats utiles, développement des circuits discount – témoigne d’une transformation durable des comportements qui dépasse les seules catégories modestes. Les résultats de cette enquête soulignent le risque de voir s’installer durablement une société à plusieurs vitesses, où les fêtes de fin d’année, traditionnellement associées au partage et à la joie, deviendraient un marqueur supplémentaire de distinction sociale.