En 2023, le service de protection de la communauté juive (SPCJ) et le Ministère de l’Intérieur ont recensé 1676 actes antisémites. Près de 60% d’entre-eux portaient atteinte à des personnes et prenaient le plus souvent la forme de gestes et propos menaçants. Entre janvier et septembre 2023, le SPCJ et le ministère de l’intérieur recensaient en moyenne une quarantaine d’actes par mois. Dès le 7 octobre, jour de l’attaque du Hamas en territoire israélien, ce chiffre explosait avec une augmentation de plus de 1000%. C’est une constante : la médiatisation d’un évènement antisémite d’une gravité extrême agit comme un catalyseur et engendre presque systématiquement une recrudescence des manifestations de haine antijuive. Le SPCJ notait ainsi que l’attentat de l’école juive Ozar Hatorah à Toulouse s’était accompagné d’une augmentation de 200% des actes antisémites recensés. Pareil phénomène était également observé après l’attentat de l’hypercasher. Si cette dynamique n’est donc pas nouvelle, elle a toutefois pris une ampleur inédite depuis le 7 octobre. Le massacre commis par le Hamas a constitué une onde de choc pour les communautés juives partout dans le monde et dans les opinions publiques occidentales. Le nombre considérable de victimes rapporté à la population du pays, le fait qu’il s’agissait majoritairement de civils – souvent des femmes et des enfants – et la nature des exactions commises expliquent probablement l’effroi ressenti. En qualifiant l’attaque de « pogrom », les communautés juives l’associent justement aux tragédies qui ont jalonné le XXe siècle. En France, la répercussion de cette attaque fut particulièrement notable. A l’effroi de découvrir que même l’Etat Juif ne constituait pas un rempart infaillible à l’antisémitisme, se sont additionnées les inquiétudes des Français Juifs pour leurs proches en Israël. A cet égard rappelons-le, l’attachement des Français Juifs à l’Etat Hébreu doit être compris non seulement à travers le fait que le pays est perçu comme un refuge aux persécutions, mais également à l’existence de liens familiaux et culturels nombreux entre les deux Etats. Depuis le 7 octobre, les Français juifs vivent une période particulièrement éprouvante. A la douleur causée par les exactions du Hamas, se superpose la recrudescence des actes antisémites en France. Bien que des reportages journalistiques aient souligné cette situation difficile, il est à remarquer qu’aucune analyse quantitative spécifique n’a été entreprise jusqu’à présent pour en évaluer systématiquement l’impact. L’American Jewish Comittee (AJC), la Fondation pour l’innovation Politique (Fondapol) et l’institut français d’opinion publique (IFOP) collaborent depuis 2014 à la réalisation d’études destinées à mieux comprendre le phénomène de l’antisémitisme. Cette nouvelle étude s’inscrit dans le cadre d’une radiographie menée depuis 2019. A cet égard, cette édition 2024 poursuit cet effort avec une approche résolument barométrique. Si le dispositif méthodologique mis en place a été renouvelé, à périmètre égal, afin de pouvoir mesurer des évolutions, il a aussi continuellement été enrichi. Soulignons l’intégration cette année d’un volet digital réalisé par Deep Opinion, filiale du groupe IFOP dédiée à l’analyse des réseaux sociaux. Un dispositif méthodologique particulièrement ambitieux a été mis en place. Trois enquêtes quantitatives ont été réalisées à peu près simultanément par internet entre le 12 février et le 22 mars 2024.
écrit par François Legrand