En France, l’insertion professionnelle est plus difficile que dans d’autres pays européens. Le niveau de chômage des jeunes est particulièrement élevé, et ces derniers occupent plus largement des contrats « précaires ». Lors des périodes de crise, la jeunesse fait ainsi souvent figure de « variable d’ajustement » pour les entreprises.
La crise du Coronavirus a donné lieu à des travaux multiples sur la jeunesse, mais peu d’études ont été consacrées aux jeunes en situation de handicap. Ces derniers doivent pourtant faire face à des difficultés spécifiques, notamment en matière d’accès à l’emploi.
Face à ce constat, l’association Tremplin Handicap – spécialisée dans l’accompagnement à l’orientation et à l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap – a missionné l’IFOP pour réaliser une grande étude destinée à objectiver le vécu des jeunes handicapés en matière d’orientation scolaire et d’accès à l’emploi.
Cette étude s’inscrit dans une logique d’enquête miroir et vise à comparer le vécu des jeunes en situation de handicap en matière d’orientation scolaire avec celui de l’ensemble de la population française âgée de 15 à 30 ans.
En voici les principaux enseignements.
Les jeunes en situation de handicap sont davantage confrontés à des difficultés dans le cadre de leurs études
Premier enseignement de cette enquête, les jeunes en situation de handicap estiment pour une majorité d’entre-eux que les choses sont difficiles dans le cadre de leurs études (66%). Une proportion qui s’avère significativement plus élevée que dans l’échantillon témoin (42%) et qui témoigne donc de difficultés se posant spécifiquement à ces jeunes. Ces obstacles vont de pair avec des difficultés plus importantes dans le domaine administratif (64% contre 46% dans l’échantillon témoin). Une problématique qui s’explique probablement par le fait que les jeunes handicapés sont davantage amenés à faire des démarches. Les difficultés liées à la scolarité apparaissent comme étant multiples et diverses, mais les jeunes témoignent notamment d’une mauvaise prise en compte du handicap dans les universités, et notamment de ceux qui sont invisibles : « il me semble urgent de sensibiliser les professeurs et les administrations universitaires à la notion de handicap et plus précisément de handicap invisible. J’entends par là de réellement les informer quand un étudiant est en situation de handicap a minima et que ce ne soit pas à l’étudiant de se justifier sa situation devant l’équipe pédagogique. ».
L’orientation scolaire, un sujet qui suscite davantage d’inquiétude chez les jeunes en situation de handicap
Deuxième enseignement de cette enquête, près d’un jeune en situation de handicap sur deux indique que la question des choix d’orientation les a « beaucoup » inquiété (50% contre 33% dans l’échantillon témoin). Un écart qui s’explique probablement par les difficultés spécifiques auxquelles sont confrontés les jeunes dans ce domaine et plus largement en matière d’insertion professionnelle.
Aux difficultés auxquelles sont confrontés tous les étudiants en matière d’orientation, viennent en effet s’additionner pour les étudiants handicapés des problématiques spécifiques, à commencer par celles relatives à la localisation géographique du lieu d’étude. Probablement car ils ont davantage besoin d’être à proximité de leur famille, les jeunes handicapés sont plus nombreux à juger déterminante la localisation géographique de l’établissement (51% contre 43% dans l’échantillon témoin). En outre, 36% indiquent que le lieu de résidence de leur famille a été un facteur qui a beaucoup influencé leurs choix en matière d’orientation scolaire. Une proportion qui est là encore, significativement supérieure à celle mesurée auprès de l’ensemble des étudiants (19%).
A cette problématique géographique vient se cumuler la nécessité de trouver un établissement adapté au handicap. Ce critère est jugé déterminant par 54% des jeunes interrogés. De fait, l’incompatibilité des conditions d’études avec le handicap est la 2e raison de réorientation (36%), derrière le manque d’intérêt pour la filière (45%) mais devant le manque de débouchés (30%), l’échec aux examens (28%), les difficultés d’intégration (24%) ou encore les contraintes économiques (8%). Soulignons également qu’un quart des jeunes indiquent avoir renoncé à une formation car elle n’était pas compatible avec leur handicap (27%), une réalité encore plus fréquente dans le cadre d’une maladie invalidante (40%) ou encore d’un handicap moteur (34%).
Ces difficultés objectives s’accompagnent pour une partie des jeunes handicapés par un manque de confiance dans leur chance de réussite, cette raison étant d’ailleurs la première avancée par ceux qui ont renoncé à une orientation (34% contre 18% dans l’échantillon témoin).
Les jeunes en situation de handicap ont intégré le fait qu’ils allaient être confrontés à des difficultés pour intégrer le marché du travail
Si l’orientation scolaire est donc davantage source d’inquiétudes pour les jeunes en situation de handicap, c’est surtout en matière d’insertion professionnelle que leurs craintes se cristallisent. La peur de ne pas réussir à trouver un emploi est ainsi la 2e crainte la plus citée (36%), juste après celle de ne pas réussir ses études (38%). Surtout, les craintes relatives à l’insertion professionnelle sont plus prégnantes qu’au sein de l’ensemble de la population étudiante (23%).
De fait, dès les recherches de stage, les jeunes en situation de handicap sont davantage confrontés à des difficultés (62% contre 46% dans l’échantillon témoin). Les recherches d’emploi s’avèrent encore plus ardues pour les jeunes concernés : 74% estiment qu’elles ont été difficiles contre 49% dans l’échantillon témoin. Interrogé sur la mesure que devrait mettre en œuvre en priorité le prochain Président de la République, un sondé évoque les difficultés spécifiques auxquelles sont confrontés les jeunes handicapés pour trouver un emploi : « Selon moi, le futur président de la République doit prendre en compte que trouver un emploi, stage ou autre, quand on est une personne en situation de handicap est un combat de tous les instants car il est à mon sens difficile de savoir si nous devons être honnête vis à vis de notre futur employeur lors d’un entretien d’embauche au risque d’être discriminée. Il faudrait donc former les entreprises ou du moins les sensibiliser plus sur l’accueil de personnes en situation de handicap au sein de leur structure ». Soulignons enfin que les recherches d’alternance – dispositif qui constitue souvent un tremplin vers l’insertion professionnelle – sont jugées encore plus difficiles par les jeunes interrogés (77%). Un constat aussi majoritairement partagé par les étudiants âgés de 15 à 30 ans qui ont été concernés par ces recherches (77%).
Face à ces difficultés, les jeunes se révèlent moins-disants en matière de rémunération : à peine un quart indiquent qu’ils choisiraient en priorité un employeur proposant un salaire attractif (24% contre 50% de l’ensemble des 15-30 ans). A l’inverse, leurs attentes se cristallisent autour du caractère passionnant du métier (64% contre 57% dans l’échantillon témoin) et surtout l’ouverture à la diversité et aux personnes handicapées (43% contre 13% dans l’échantillon témoin).
Les résultats de cette étude montrent l’ampleur des progrès qui restent encore à accomplir par les établissements d’enseignement supérieur pour garantir une bonne intégration des étudiants en situation de handicap. L’incompatibilité des conditions d’études avec le handicap constitue la 2e cause de réorientation pour les jeunes concernés. Ces derniers doivent aussi – pour une partie d’entre-eux – composer avec d’autres impératifs, notamment géographiques. On comprend dès lors pourquoi l’orientation scolaire est autant source d’inquiétudes pour les jeunes en situation de handicap. Plus encore, c’est sur l’insertion professionnelle que se cristallise le plus de craintes. Hélas à raison, car dès leur recherche de stage, les jeunes sont confrontés à des difficultés. Au regard des difficultés spécifiquement posées par la reconnaissance des handicaps invisibles au sein des établissements d’enseignement supérieur et des entreprises, on comprend l’ampleur du travail de sensibilisation qui reste à accomplir sur ce sujet.