Noel 2021, la course au jouet ?
LES INQUIETUDES ET SOURCES DE MALAISE LIEES AUX ACHATS DE CADEAUX DE NOËL
Les Français mal à l’aise avec les cadeaux de Noël ? Question taboue à laquelle répond cette étude à l’heure où la pénurie de matériaux attise plus que jamais les craintes liées à ne pas avoir de (bons) cadeaux à offrir. Cette étude Ifop pour Les Dénicheurs montre que l’achat des cadeaux de Noël est pour beaucoup une source de stress et d’angoisse, notamment pour les femmes qui s’avèrent globalement plus sensibles à ce type de « charge mentale »…
Les chiffres clés
1 – Le risque de ne pas pouvoir offrir un cadeau car il serait en rupture de stock a déjà été une source d’inquiétude pour un Français sur deux (49%), notamment pour les parents de familles nombreuses (73% des parents de 3 enfants et plus).
2 – A l’heure actuelle, les achats de cadeaux sont une source de stress pour plus des trois quarts des Français (77%), sachant que la crainte de ne pas trouver le bon cadeau (58%) y pèse toujours plus que les risques de rupture de stock (36%).
3 – La pénurie actuelle de certains matériaux a poussé plus d’un Français sur quatre (27%) à anticiper leurs achats de cadeaux, en particulier les parents (38%), les femmes (30%) et les jeunes de moins de 35 ans (38%).
4 – On n’observe pas pour autant une ruée dans les magasins : seul un Français sur trois aura fait ses achats en novembre (35%) et seulement 8% avant. L’essentiel d’entre eux continue à les faire en décembre (48%).
5 – La moitié des Français ont déjà ressenti de la honte à cause des cadeaux qu’ils allaient offrir (52%) à leurs proches, sachant qu’ils craignent surtout de passer pour quelqu’un de « pingre » (30%) ou qui fait des cadeaux sans pendre le temps adéquat (31%).
6 – Une majorité de Français a déjà fait semblant qu’un cadeau leur plaisait alors que ce n’était pas le cas (62%). A l’inverse, ils sont peu nombreux (21%) à avoir osé dire à un proche que son cadeau ne leur plaisait pas.
7 – En général, les Français ont le sentiment d’être « perdants » dans les cadeaux qu’ils offrent à leurs enfants – 61% estiment que les cadeaux qu’ils ont offert l’an dernier à leurs enfants étaient mieux que ceux que leurs enfants leur ont offert – alors qu’ils leur semblent être plutôt « gagnants » dans les cadeaux qu’ils s’échangent avec leurs grands-parents (42%).
8 – Signe de leur attachement au caractère familial des fêtes de Noël, la plupart des Français ne souhaiteraient pas avoir un candidat à l’élection présidentielle comme invité à leur table : 83% ne souhaiteraient pas avoir le président Macron à leur table et ils sont encore plus nombreux à rejeter l’idée de partager ce moment avec Marine Le Pen (88%), Éric Zemmour (89%) ou Valérie Pécresse (90%).
Les principaux enseignements de l’enquête
A) Les cadeaux de Noël, entre stress, organisation et inquiétudes
Une écrasante majorité de Français prévoit d’offrir des cadeaux pour ce Noël
A quelques semaines de la date fatidique, une large majorité de Français prévoit d’offrir au moins un cadeau de Noël (90%). Ces cadeaux s’adresseront avant tout aux membres de leur famille (86%), devant les partenaires amoureux (66%). Toutefois, l’action d’offrir un cadeau n’échappe pas à des critères économiques, sociaux et culturels. En effet, 93% des individus se déclarant catholiques pensent offrir au moins un cadeau, contre 77% de ceux avec une religion non chrétienne, et 88% des personnes sans religions. Très logiquement, le rapport à la chrétienté – et plus particulièrement au catholicisme – apparait comme un facteur jouant de la propension à offrir des cadeaux le 25 décembre. Enfin, la présence de jeunes enfants (moins de 14 ans) rend quasiment certain le fait que des cadeaux vont être offerts (97%).
Si 43% des Français comptent offrir un cadeau à leurs amis, cela concerne 55% des 18-24 ans, sans doute parce que les plus jeunes sont plus imbriqués dans leurs réseaux de sociabilité. Pour les dites jeunes générations offrir un cadeau est aussi peut-être plus qu’ailleurs un marqueur social important, montrant qu’ils sont aussi des adultes capables d’offrir de beaux cadeaux.
Cette course aux jouets est source d’inquiétudes et de stress
Noël, ce n’est pas qu’un réveillon en famille rythmé par le moment tant aimé de l’ouverture des cadeaux, c’est aussi une véritable course aux jouets qui peut être source d’inquiétudes. Ainsi, au cours de leur vie, 60% des Français ont déjà été inquiets à l’idée de ne pas pouvoir offrir un cadeau car le produit aurait atteint un prix trop élevé au regard de leur budget, 52% que le produit ne serait pas disponible avant le jour de Noël, et enfin 49% qu’il ne serait plus du tout disponible à la vente.
Pour cette édition 2021 de Noël, une large majorité de Français (77%) expriment avoir un certain stress lié à l’achat des cadeaux, d’abord par peur de ne pas trouver le plus adéquat. Ce stress concerne avant tout la capacité à trouver la bonne idée cadeau pour faire plaisir (58%, une hausse de 7 points en un an). Cette dimension révèle une forme de « gender gap » puisque cela affecte 51% des hommes et 64% des femmes. Cette tâche tient au souci du « care » auquel les femmes sont toujours plus sensibles que les hommes.
Il faut noter que plus d’un tiers des Français confient avoir éprouvé du stress concernant les problèmes éthiques soulevés par l’achat de certains cadeaux (34%). Une fois encore, cela concerne plus les femmes que les hommes (38% contre 30%). Les plus jeunes, largement impliqués dans ces débats comme l’a montré Frédéric Dabi (La Fracture) évoquent bien plus ce stress que leurs ainés (42% des 18-24 ans contre 26% des 65 ans et plus).
Le moment des achats
Cette année encore, il sera possible de voir des milliers de personnes se ruer dans les magasins au dernier moment pour glaner le cadeau idéal. Près d’un Français sur deux (48%) fera ses courses de Noël en décembre, et les prévoyants ne sont pas les plus nombreux : 35% réalisaient leurs achats en novembre, et 8% avant. Instant désormais important qui nous vient de la culture anglo-saxone, le Black Friday s’annonce encore un beau succès : 14% des Français prévoyant ainsi fin novembre de faire leurs courses de Noël dans cet espace de 4 jours. Preuve que la dimension économique de cet instant est centrale, un quart des plus pauvres font leurs achats à ce moment (25%), contre 4% des plus aisés.
La pénurie de matériaux qui touche l’ensemble de l’industrie mondiale n’affole pas les Français. Si sa notoriété est massive (87%), seulement 27% vont ou ont anticipé leurs achats. Cette thématique est très révélatrice du « gender-gap » existant et de l’injonction forte imposée aux femmes « d’assurer » pour les cadeaux comme ailleurs : si les hommes connaissent plus cette pénurie (92% contre 83%), ils anticipent moins que les femmes en achetant avant les cadeaux de Noël (25% des hommes anticipent contre 30% des femmes à cause de la pénurie).
B) Les cadeaux de Noël : facteurs de gêne
Le malaise des Français vis-à-vis des cadeaux
Les Français sont-ils mal à l’aise avec les cadeaux de Noël ? Question taboue à laquelle répond cette étude. L’action d’offrir un présent fait plaisir à 91% des personnes interrogées, alors que pour recevoir, cela en gêne 43%. Ces données sont symptomatiques du don contre don, théorie développée par Marcel Mauss. En recevant un cadeau, les individus sont soumis à l’injonction de faire de même en retour. Dans le cas contraire, cela pourrait nuire à la relation (toute raison gardée), car l’autre parti pourrait se sentir lésé. Ainsi, les individus sont heureux d’offrir, car ils savent qu’ils vont recevoir et ils prennent « l’avantage » dans la relation, mais une partie importante est gênée en recevant, car ils savent que pour conserver la relation, il y a la nécessité de donner de nouveau en retour, et qu’il faut assurer un cadeau au moins équivalent.
Les sentiments négatifs à l’égard des cadeaux à offrir
Il n’est pas rare que les Français puissent ressentir une certaine honte sur les cadeaux qu’ils peuvent offrir à Noël. Cela est en effet arrivé à plus d’un Français sur deux (52%). Ce sentiment touche essentiellement les plus jeunes (73% des 18-24 ans) ceux avec le capital scolaire le plus développé (61% des diplômés du supérieur).
Dans le détail, 31% des Français ont eu honte à l’idée de passer pour quelqu’un ne s’adaptant pas aux goûts, 30% de passer pour « pingre », 26% de ne pas avoir de bon goût, 24% de dépassé et enfin 22% ont craint d’apparaitre trop dépensier. A l’exception de la dernière (fort logiquement), les autres propositions touchent davantage les plus pauvres, notamment sur le fait de passer pour radin (42% contre 31% des plus riches). Autre donnée intéressante, celle sur la crainte de passer pour ayant mauvais goût : c’est le cas pour 17% des plus aisés, et 38% des plus pauvres (soit un delta de 21 points). Cela étant certainement dû au fait que les strates les plus dotées en capitaux pensent détenir la « culture légitime », et notamment le « bon goût », comme l’a démontré Pierre Bourdieu dans La distinction. Ainsi, les plus riches craignent moins cette honte, car ils imaginent plus facilement savoir ce qui est bon et beau.
De nombreux Français (72%) expriment l’expérience d’un sentiment déplaisant à l’égard d’un cadeau de noël. Le plus souvent car il leur est déjà arrivé de mentir : 62% ont reçu un cadeau de Noël qui ne leur plaisait pas et ont fait croire qu’il leur plaisait à celui ou celle qui l’avait offert. Sur ce point, cela concerne bien plus de femmes que d’hommes (67% contre 56%), les jeunes (71% des 18-24 ans contre 53% des 65 ans et plus, les plus aisées (66% contre 52% des plus pauvres).
En rappelant aux Français le souvenir des cadeaux offerts au dernier Noël, 61% estiment que ce qu’ils ont offert à leurs enfants était mieux que ce que leurs enfants leur ont offert. Ce chiffre est à 48% en ce qui concerne les parents, 50% pour les frères et sœurs, 47% pour les beaux-parents, et 42% pour les grands-parents. Enfin, 57% des personnes interrogées considèrent que le cadeau offert à leur conjoint était mieux que ce qu’ils ont reçu, les hommes le pensant plus que les femmes (59% contre 55%).
C) Réveillon et politique : le non-mélange des genres…
Avec quel candidat à la présidentielle les Français aimeraient passer un repas de Noël ?
A l’occasion de cette étude, l’Ifop en a profité pour demander aux Français avec lequel des candidats à la présidentielle ils désireraient passer un repas de Noël. Emmanuel Macron arrive en tête (17%), devant Marine Le Pen (12%) et Éric Zemmour (11%). Le score du leader d’En Marche, largement en tête, tient certainement de sa position avantageuse de président de la République.
Toutefois, il apparait essentiel d’observer les résultats en fonction de la proximité politique des répondants. On constate alors des différences tout à fait instructives. Si 26% des proches d’Europe Ecologie Les Verts veulent partager le repas avec Yannick Jadot, 23% de ceux du Parti Socialiste avec Anne Hidalgo, ces scores sont nettement plus élevés chez les sympathisants des partis les plus radicaux : 47% des partisans de La France Insoumise désirent le faire avec Jean-Luc Mélenchon et 55% des proches du Rassemblement National avec Marine Le Pen.
Apparait alors, toute proportion gardée, un certain « fanatisme » des partisans des partis les plus extrêmes, ayant un leader « charismatique », comme de nombreux chercheurs l’ont déjà démontré. Il ressort un certain culte du chef bien plus présent que dans les partis politiques plus nuancés.
LE POINT DE VUE DE THOMAS PIERRE DE L’IFOP
Quelque chose pouvant paraitre aussi anodin qu’un cadeau ne l’est en réalité pas. Il s’agit bien un objet sociologique, soumis à des critères sociaux, culturels et bien sûr économiques. Cette enquête met d’ailleurs en exergue plusieurs clivages majeurs dans le rapport des Français à ce rite des cadeaux de Noël…
Tout d’abord, un clivage de genre : les femmes offrent plus de cadeaux, cela les stresse plus, elles culpabilisent plus de ce qu’elles offrent que les hommes, par conséquence s’organisent plus. Cela donne à voir l’injonction pour les femmes de gérer cet instant en plus de la vie familiale « classique ». C’est une composante sous-estimée de leur charge mentale.
Ensuite, un clivage générationnel. Les plus jeunes offrent plus et se préoccupent plus d’offrir un bon cadeau. Cela tient peut-être à un certain matérialisme, une plus grande sensibilité aux sirènes de la société de consommation, mais aussi une volonté de renforcer leur statut « d’adultes » en montrant qu’ils sont aussi capables d’offrir de beaux cadeaux.
Enfin, apparait logiquement un clivage économique majeur. Les plus pauvres vont offrir moins de cadeaux, craignent plus de passer pour « pingre » ou de ne pas avoir bon goût, ont bien plus recours à des moments de « soldes » comme le Black Friday. Il y a bien chez eux la mise en place de solutions pour concilier petit budget et satisfaction à apporter à leurs proches.
Thomas PIERRE, chargé d’études à l’Ifop
POUR CITER CETTE ETUDE, IL FAUT UTILISER A MINIMA LA FORMULATION SUIVANTE : « Étude Ifop pour Les dénicheurs réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 23 au 24 novembre 2021 auprès d’un échantillon de 1 012 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. »
CONTACTS :
Cette étude a été menée sous la direction de François Kraus, directeur du pôle “Politique / Actualités” de l’Ifop, en partenariat avec l’agence Flashs. Pour toute demande de renseignements à propos de cette étude ou pour obtenir des informations quant aux conditions de réalisation d’une enquête du même type, vous pouvez contacter directement François Kraus au 0661003776 – francois.kraus@ifop.com .