À quelques jours du scrutin, le magazine Têtu publie une enquête exclusive sur l’orientation politique et le vote des gays, des bis et des lesbiennes aux élections européennes, qui montre notamment un désenchantement à l’égard du macronisme, dans un contexte toujours marqué par le non-respect du président de sa promesse de loi ouvrant la PMA aux couples de femmes.
LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
Premières concernées par la loi sur la PMA, les lesbiennes votent en effet massivement pour des listes de gauche ou d’extrême gauche (54 %) : seuls 12 % des homosexuelles déclarent avoir l’intention de voter pour la liste LREM-MoDem, 15% pour une liste de droite (LR, UDI) et 17 % pour liste de droite radicale ou souverainiste (DLF, RN, LP, UPR).
En cela, les affinités politiques des lesbiennes se distinguent assez nettement de celles des gays, qui restent encore attachés au macronisme : 30 % des homosexuels voteraient pour la liste conduite par Loiseau, soit un peu moins de 10 points de plus que l’ensemble de l’électorat. On observe cependant une baisse significative de proximité aux forces politiques soutenant l’action du président : seul un quart des gays exprime sa sympathie pour un parti centriste (24 %), contre plus d’un tiers (37%) lors de l’élection présidentielle de 2017.
Le vote des bisexuels est quant à lui très genré :
- les femmes bisexuelles ont un vote très similaire à celui des lesbiennes, c’est-à-dire très ancré à gauche et à l’extrême gauche.
- les hommes bisexuels votent nettement plus que la moyenne pour la droite radicale (39%, contre 27% des gays et 17% des lesbiennes) : le choix pour certains de ne pas assumer une homosexualité à part entière pouvant sans doute les rendre moins sensibles à la défense des droits LGBT portés par les forces progressistes.
Cette différence avec les homosexuels irait dans le sens de certaines études américaines affirmant que les électeurs assumant totalement leur homosexualité tendent à soutenir les partis défendant les valeurs de libéralisme culturel alors que ceux qui n’ont pas fait leur coming out restent plus sensibles à un discours conservateur. Aussi séduisante soit-elle, cette idée n’en reste pas moins difficile à confirmer compte tenu du fait que le clivage « homos / bis » ne recoupe pas forcément le clivage « outés » / « non outés ».
LE POINT DE VUE FRANÇOIS KRAUS DE L’IFOPL’intérêt de cette enquête est de montrer qu’il n’y a pas un seul « vote LGBT », mais des « votes LGBT » extrêmement genré et variables en fonction du degré d’éloignement de la norme hétérosexuelle. Mais quelle que soit la dispersion du vote LGBT, on observe un désenchantement assez général des minorités sexuelles à l’égard d’Emmanuel Macron et de ses candidats, alors même qu’au moment de son élection ce dernier avait pu s’attirer les faveurs d’un électorat sans doute sensible à son discours progressiste sur les questions de société et à sa capacité à transgresser les modèles dominants en matière de conjugalité et de sexualité. La capacité du président à fidéliser ou reconquérir cet électorat passe donc par sa capacité à tenir après le scrutin sa promesse sur la PMA, principal engagement de campagne en matière sociétal auprès d’un électorat qui pèse, il faut le rappeler, plus (8% d’après l’étude Ifop-Jasmin Roy – avril 2019) que des électorats particulièrement opposés à l’avancée des droits LGBT comme peuvent l’être le noyau dur des catholiques pratiquants (5% de « messalisants » selon l’Ifop en 2010) ou encore l’ensemble des musulmans (5,6% – Ifop-Institut Montaigne – 2016).
François KRAUS, directeur du pôle Politique / Actualités à l’Ifop |