Pour la deuxième année consécutive, le collectif “ma place c’est en classe” réalise un partenariat avec l’IFOP pour faire un état des lieux de l’opinion au sujet de l’inclusion des élèves en situation de handicap. Cette année, en plus du corps enseignant, les parents d’élèves ont été interrogés afin de mettre en miroir chacune des perceptions. Voici les enseignements principaux de cette enquête :
L’accueil des élèves en situation de handicap est une réalité pour le corps enseignant, qui apparaît favorable au principe d’inclusion, tout en alertant sur les défis que cela représente.
Faisant partie du quotidien des enseignants, l’école inclusive pour les élèves en situation de handicap est un sujet clé…
L’inclusion des élèves en situation de handicap apparaît comme un enjeu majeur pour les enseignants de la maternelle au lycée, dans la mesure où il s’agit d’une problématique très concrète pour eux : 93% ont déjà accueilli ces élèves dans leur classe au cours de leur carrière.
Plus précisément, près de la moitié des professeurs ont chaque année des enfants présentant un handicap parmi leurs élèves (44%), et notamment ceux enseignant en école primaire (55%).
… et un enjeu prioritaire à partir du moment où, bien que de plus en plus normalisée, elle demeure source d’inquiétudes pour les enseignants.
Les perceptions des enseignants au sujet de la scolarisation des enfants en situation de handicap restent alignées sur plusieurs points (à l’image de la précédente vague) :
- D’un côté, il s’agit d’un droit, pour 93% du corps enseignants (58% étant « tout à fait » de cet avis).
- De l’autre, cette scolarisation est source d’un travail supplémentaire, pour 91% (« tout à fait », selon 55%).
Depuis juillet 2023, l’inclusion du handicap en classe semble se normaliser : l’idée selon laquelle il s’agirait d’une contrainte reste largement diffuse (69%) mais a baissé drastiquement en un an (-11 points). De la même façon, ils sont plus nombreux à y voir une obligation professionnelle (88%, +5 pts), une nécessité (80%, +6 pts).
L’inclusion est particulièrement soutenue par les enseignants ayant le plus d’expérience : parmi ceux qui enseignent depuis plus de 30 ans plus de 7 sur 10 sont convaincus qu’il s’agit d’un droit (72%, VS 58% en moyenne) et y voient davantage une source d’enrichissement que leurs pairs (39% VS 29% au global).
Notons que les enseignants directement concernés par l’accueil des élèves en situation de handicap (chaque année ou presque) – qui sont certainement aussi les plus jeunes et moins expérimentés – semblent, à l’inverse, plus critiques : pour eux, il s’agit bien plus d’un « travail supplémentaire » (tout à fait pour 65% VS 55% en moyenne), constituant une source de stress pour la moitié d’entre eux (48% VS 38%).
Les enseignants semblent ainsi dans une posture d’ouverture vis-à-vis d’une école inclusive, même si ceux qui sont parties prenantes au quotidien sont plus sensibles aux investissements que cela implique
Au-delà des préoccupations sur leurs conditions de travail, les enseignants alertent sur la qualité de l’insertion proposée par l’école.
A l’épreuve des faits, beaucoup d’enseignants affichent leur scepticisme sur la qualité de l’inclusion offerte par les établissements scolaires (et de manière croissante à mesure que le niveau scolaire progresse) : déjà mitigés sur l’inclusion des enfants avec un type de handicap en maternelle (« bien intégrés » pour 53%), ils deviennent franchement pessimistes sur l’inclusion des élèves en classes de lycée (seuls 31% estiment qu’ils sont bien intégrés au sein d’un lycée général ou professionnel).
Il est important de noter que, pour les professeurs, la perception sur l’insertion des élèves avec un handicap diffère drastiquement selon l’expérience de formation : quel que soit le niveau mentionné, les enseignants formés sont significativement plus à juger favorablement cette insertion (avec des écarts de 10 à 12 points).
Sur la même question, les parents d’élèves – qui ne sont pas forcément au cœur de la problématique – ont une perception plus homogène selon le niveau : pour 41% d’entre eux, l’insertion au lycée général / technologique est réussie (soit 10 points d’écart avec la cible professeurs).
Les enseignants – qui bénéficient encore peu d’accompagnement – souhaitent des mesures structurelles pour mieux accueillir le handicap.
Les formations à l’accueil du handicap restent insuffisantes…
Alors même que 9 enseignants sur 10 doivent faire face, à un moment de leur carrière, à l’accueil d’enfants en situation de handicap, seuls 2 sur 10 y sont formés (20%). Pour ces derniers, la durée de formation dépasse rarement quelques jours (pour 63%, la formation a duré 1 à 2 jours).
Parallèlement, 40% de ceux qui accueillent régulièrement des élèves avec handicap n’ont jamais bénéficié de formation.
La formation à la question de l’accueil du handicap fait ainsi partie des attentes prioritaires des enseignants (en 4e position, pour 41% des sondés), avec deux thématiques principales : la compréhension de l’incidences des troubles sur l’apprentissage (63% choisissent ce sujet), et la conception d’activités pédagogiques adaptées (61%).
Et doivent s’accompagner de renforcements structurels pour un meilleur accueil
Au-delà de la formation à proprement parler, les enseignants sont demandeurs d’accompagnement structurels : le recrutement d’aides humaines (AESH) supplémentaires reste, comme en 2023, la priorité pour 64% des répondants. Une baisse du nombre d’élèves par classe en cas de présence d’enfant avec PPS (projet personnalisé de scolarisation), ainsi que la présence d’enseignants spécialisés permettraient une meilleure prise en charge pour, respectivement, 47% et 46% des sondés. Interrogés sur ces mêmes priorités, les parents d’élèves en appellent aussi aux mesures d’ordre organisationnel mais y sont toutefois moins sensibles (avec respectivement 46%, 23% et 36% qui les encouragent), et davantage réceptifs à des initiatives de pédagogies (ex : information des élèves sur le handicap, 22% VS 12% des professeurs).
Dans ce contexte, la mise en place de « Pôles d’appui à la scolarité » – constitués d’un enseignant spécialisé et de professionnels du médico-social (éducateurs, éducateurs spécialisés, psychologues) – est accueillie favorablement par près des trois-quarts des enseignants : 72% des répondants y voient une mesure positive (8% seulement y sont défavorables, 16% estimant qu’ils n’auront pas d’impact particulier). Elle est particulièrement soutenue par les enseignants déjà familiers avec une expérience de formation (30% ont un avis très positif, VS 19% en moyenne).