L’attentat perpétré contre notre ambassade de Tripoli n’aura pas forcément un fort impact dans l’opinion publique dans la mesure où il ne viendra que valider et confirmer les anticipations très majoritairement négatives qui ont prévalu dès le début du « printemps arabe ». En effet, alors que le discours politique et médiatique dominant louait ce mouvement historique d’émancipation de différents peuples arabes et la chute de régimes dictatoriaux, les Français étaient eux, spontanément, loin de partager cet optimisme vis-à-vis de la « révolution de jasmin ». La ligne qui s’imposa dans l’opinion fut beaucoup plus circonspecte et une nouvelle fois, l’élite politico-médiatique se retrouva en profond décalage avec ce que pensait une majorité de Français. Ainsi, en mars 2011, interrogés sur le sentiment que leur inspirait « les événements qui se produisaient depuis plusieurs semaines dans différents pays arabes », 53% des interviewés répondaient « plutôt de la crainte » et 39% seulement « plutôt de l’espoir ». Cette crainte était de deux ordres. 83% des Français estimaient probable « l’augmentation du nombre d’immigrants originaires de ces pays en direction de l’Europe » (les images de milliers de clandestins arrivant sur l’île italienne de Lampedusa ayant marqué les esprits) et 68% « l’arrivée au pouvoir de partis islamistes dans ces pays ». La tournure très violente que prirent les événements en Libye et dans d’autres pays ancra encore davantage cette inquiétude latente dans l’opinion puisque l’on passa en deux semaines seulement (entre fin février et début mars 2011) de 59 à 68% de Français jugeant ce scénario probable quand, dans le même temps, la croyance dans l’instauration de régimes démocratiques dans ces pays refluait de 65 à 57%.
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