L’Ifop en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès, AJC Paris, la FEPS et la Dilcrah a réalisé une étude portant sur le regard des Français sur les génocides du vingtième siècle en général et sur celui des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale en particulier.
Si la méconnaissance du génocide des Juifs ne concerne qu’un Français sur dix (10%), elle s’élève toutefois à 21% chez les 18-24 ans. Néanmoins, le génocide des Juifs reste plus connu que d’autres génocides du XXe siècle : 90% des Français ont entendu parler de l’Holocauste, 85% du génocide des Arméniens et 79% du génocide des Tutsis du Rwanda. Dans le détail, l’âge, la catégorie socio-professionnelle et le niveau de diplôme constituent des variables déterminantes de méconnaissance de la « Shoah » :
- 21% des jeunes de 18 à 24 ans n’ont jamais entendu parler du génocide des Juifs, contre seulement 2% des 65 ans et plus ;
- 18% des ouvriers ne savent pas que ce qu’est la Shoah, contre 4% des cadres ;
- 18% des sans diplôme ou titulaires d’un CEP, BEPC ignorent ce qu’est la Shoah, contre 4% des diplômés du 2e ou 3e cycle du supérieur.
Sur le plan politique, on observe une connaissance relativement similaire selon les préférences partisanes (supérieure à 90%), à l’exception des sympathisants du Rassemblement national et des Français qui ne se déclarent proches d’aucune formation politique, qui sont respectivement 12% et 15% à n’avoir jamais entendu parler du génocide des Juifs.
Interrogés sur la période historique à laquelle a eu lieu le génocide des Juifs, 79% des Français sont capables d’indiquer la Seconde Guerre mondiale (soit néanmoins 11 points de moins que ceux qui disent avoir entendu parler de la Shoah). Arrive en deuxième position l’entre-deux-guerres (9%), ce qui pourrait éventuellement s’expliquer par le fait que l’émergence du nazisme a eu lieu durant cette période. Il est néanmoins marquant de constater que 10% des Français placent le génocide des Juifs lors de la Première Guerre mondiale (6%), ou même avant (4%), probablement du fait d’une confusion entre les différents conflits qui ont opposé la France à l’Allemagne au cours du XXe siècle. Toujours est-il que ces résultats indiquent que le fait d’avoir entendu parler de la Shoah n’implique pas nécessairement une connaissance précise des différentes dimensions historiques de l’Holocauste : 16% des personnes ayant entendu parler du génocide des juifs le placent à une autre période que durant la Seconde guerre mondiale.
Plus de trois Français sur quatre (77%) qualifient la Shoah de crime monstrueux, contre 63% en septembre 2014, 88% soutiennent qu’il faut lutter contre l’antisémitisme et le racisme pour qu’une tragédie comme la Shoah ne se reproduise pas, contre 85% en 2014 et 85% pensent qu’il faut « enseigner la Shoah aux jeunes générations afin d’éviter que cela ne se reproduise » contre 77% en 2014. Les Français sont d’ailleurs une majorité à penser que les Français juifs se sentent en insécurité (53%) et à comprendre ce ressenti (58%).
Comment les Français, et en particulier les plus jeunes d’entre eux, sont informés au sujet de la Shoah ? Auprès de l’ensemble des Français, l’école occupe le haut du classement avec 58% des citations, suivi des films ou livres (41%), de la transmission familiale (17%), de la presse (16%), des commémorations (16%), des musées (11%) et enfin d’Internet (6%). Education nationale et productions audiovisuelles ou littéraires constituent donc en France les deux principales sources d’apprentissage de ce qu’a été le génocide des Juifs. Concernant les moins de 35 ans, l’école joue un rôle prépondérant (76%), au détriment des autres sources d’informations (30% pour les films ou livres, contre 41% en moyenne et 8% pour la transmission familiale, contre 17% en moyenne). On constate donc, chez les jeunes, une concomitance entre un mode d’information reposant moins sur les relais familiaux, culturels ou médiatiques et une moindre connaissance du génocide des Juifs. Les jeunes se distinguent aussi par une sensibilité moindre à la lutte contre l’antisémitisme : 80% des 18-24 ans adhèrent à l’idée selon laquelle « on doit lutter contre l’antisémitisme et le racisme pour qu’une tragédie comme la Shoah ne se reproduise pas », contre 88% pour l’ensemble des Français, soit 8 points d’écart.
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