Face à l’ascension dans les sondages d’un candidat aussi ouvertement misogyne qu’Éric Zemmour, la question se pose de savoir comment l’électorat féminin appréhende la candidature de l’auteur du Premier sexe (2006) et, plus largement, quel rôle vont jouer les enjeux relatifs aux droits des femmes et à la lutte contre le sexisme dans cette première campagne présidentielle de l’ère post-MeToo.
Dans une pré-campagne souvent marquée par une concurrence entre hommes et femmes au sein de chaque camp (ex : Y. Jadot versus S. Rousseau pour la primaire EELV, X. Bertrand versus V. Pécresse pour la primaire LR, E. Zemmour versus M. Le Pen pour les nationalistes), on peut se demander si le genre des candidat(e)s joue encore un rôle dans un processus de décision électorale marqué cette année – il fait le rappeler – par des appels à « la virilité » (J.-M. Le Pen, juin 2021[1]) ou des assertions selon lesquelles « les femmes n’incarnent pas le pouvoir » (Éric Zemmour[2]).
Confirmant les enseignements tirés de grandes enquêtes publiées récemment, une étude de l’Ifop menée pour le magazine Elle auprès de 2 000 personnes montre que si l’électorat féminin n’échappe pas à une certaine extrême-droitisation, il n’en n’exprime pas moins une forte aversion à l’égard d’Eric Zemmour, qui fait craindre a beaucoup d’électrices une remise en cause des droits des femmes, droits qui constitueront pour les jeunes femmes de la génération #MeToo le critère déterminant de leur vote le 10 avril 2022.
1/ La candidature d’Éric Zemmour réactive le « radical gender gap ». Alors que Marine Le Pen était parvenu à le neutraliser, l’électorat féminin apparait moins perméable à l’extrême droite de Zemmour : 12% des femmes ont l’intention de voter pour le polémiste, contre 17% des hommes.
2/ Éric Zemmour, l’homme qui fait peur aux femmes ? Plus de deux femmes sur trois (66%) se disent inquiètes pour leurs droits à l’idée que ce dernier soit élu président de la République.
3/ Le droit des femmes déterminant pour les jeunes femmes (86% des moins de 25 ans le prendront en compte dans leur vote pour 2022) mais pas pour toute les femmes (47% des Françaises jugent ce thème déterminant dans leur vote). Ces résultats révèlent l’absence d’effet MeToo notable dans l’ensemble de l’électorat féminin, malgré une très forte mobilisation des plus jeunes.
4/ Emmanuel Macron arrive en tête des intentions de vote (25% des femmes ont l’intention de voter pour lui) malgré un bilan mitigé en matière de droits des femmes : moins d’une Français sur deux (47%) est satisfaite de l’action du président de la République.
5/ La fin du mythe de la prime à la « virilité » dans la compétition pour l’élection présidentielle : 41% des femmes ayant l’intention de voter pour une femme déclarent que le genre de leur candidate est déterminant dans leur choix. Il existerait donc aujourd’hui une prime à la féminité dans une dynamique d’habilitation des femmes dans le politique.
Les résultats complets : https://www.jean-jaures.org/publication/les-questions-de-genre-et-de-lutte-contre-le-sexisme-dans-le-vote-a-la-presidentielle/
[1] Jean-Marie Le Pen le 30 juin 2021.
[2] Eric Zemmour sur le plateau de BFMTV en mars 2013