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Les professionnels et la route : quelle connaissance du risque routier ? Vague 8

Près d’un actif sur cinq (dont les déplacements ne font pas partie de la définition de leur profession)[1] réalise des trajets professionnels hebdomadaires, une proportion stable depuis 2015.

Pour bon nombre d’actifs, et en l’occurrence dont le cœur de la profession n’est pas lié aux transports (comme cela est le cas pour les chauffeurs, ambulanciers, livreurs etc), la réalisation de déplacements professionnels fait partie intégrante de leur réalité professionnelle. 43% d’entre eux conduisent régulièrement un véhicule au cours de leur journée de travail (hors trajets domicile-travail), soit une proportion stable depuis 2015. Ces déplacements sont effectués principalement de manière hebdomadaire (79% ; -2 pts vs 2022), dont 44% au moins une fois par jour. En 2023, ils sont ainsi un peu moins nombreux à déclarer les réaliser de manière quotidienne par rapport aux années précédentes (-6 pts vs 2022). Rapporté à l’ensemble de la population active, c’est donc 18% des actifs occupés qui effectuent des trajets professionnels (hors trajet domicile-travail) au moins une fois par jour (contre 21% en 2022).

 

 

Constat peu optimiste de cette nouvelle vague de l’enquête, l’adoption de comportements dangereux lors des trajets professionnels ne faiblit pas chez les actifs concernés.

84% des sondés reconnaissent qu’ils adoptent au moins occasionnellement un comportement à risque lorsqu’ils conduisent dans le cadre de leur travail (+2 pts vs 2022). De manière occasionnelle, 73% ne respectent ainsi pas les limitations de vitesse (+2 pts vs 2022), 57% utilisent leur téléphone en conduisant (+5 pts), 38% somnolent au volant (+6 pts), 31% ne respectent pas les règles de priorité (+3 pts) et 22% conduisent en ayant consommé plus de deux verres d’alcool. Au final, l’adoption de ces différents comportements à risque – même « rarement » – représentent une exposition aux risques d’accidents préoccupante pour les actifs lors de leurs trajets professionnels.

 

 

L’adoption de ces comportements à risque se traduit par des niveaux d’accidents ou de sanctions à la hausse depuis avril 2021.

Qu’ils en soient responsables ou non, 22% (+3 pts vs 2022 ; + 4 pts vs 2021) déclarent qu’ils ont été victimes d’un accident de la route au cours des 5 dernières années dans le cadre de déplacements professionnels. Toutefois, avoir évité de justesse un accident représente le principal risque routier auxquels ont été exposés récemment les actifs occupés réalisant régulièrement des déplacements professionnels (49% ; dont 19% « plusieurs fois »).

Au-delà de la survenue d’accidents, l’adoption de comportements à risque se traduit également par des sanctions. En raison de non-respect des règles de sécurité routière au cours des 5 dernières années, 43% des sondés ont déjà reçu une amande (+1 pt vs 2022 ; +5 pts vs 2021) et 38% ont perdu des points sur leur permis (+2 pts vs 2022 ; +9 pts vs 2021).

La principale cause à l’origine d’un accident est distincte de celle des sanctions. Les accidents de la route sont principalement imputés au manque d’attention (38% à 54%), tandis que les sanctions sont davantage attribuées à une vitesse excessive (65% à 76%).

 

 

Aussi bien les actifs que les dirigeants sous-estiment l’importance du risque routier comme cause d’accidents mortels au travail.

En 2019, les décès lors d’un trajet réalisé dans l’exercice d’une mission professionnelle représentaient 4% de la mortalité routière et 11,5% lors d’un trajet domicile-travail[2]. Le risque routier professionnel (c’est-à-dire les accidents survenus lors de trajets professionnels) est donc identifié dans le cadre des statistiques publiques comme le premier facteur de mortalité au travail. Pour autant, alors même qu’un grand nombre d’actifs réalisent fréquemment des déplacements professionnels, peu de répondant à l’enquête en ont conscience. Seuls 31% des actifs occupés donnent la bonne réponse, soit une proportion qui tend à la baisse depuis 2015 (-4 pts vs 2015). 46% l’identifient en revanche comme la deuxième cause d’accidents mortels au travail et 23% comme la troisième cause. Cette méconnaissance est d’autant plus marquée chez les dirigeants : 15% ayant mentionné le risque professionnel comme premier facteur de mortalité au travail (-2 pts vs 2022), 38% comme le deuxième facteur et 39% comme le troisième facteur.

 

 

Cette sous-estimation du risque se couple chez les dirigeants à une connaissance partielle des règles et enjeux relatifs au risque routier en entreprise.

Seul 1 dirigeant sur 2 sait que sa responsabilité est engagée en cas d’accident de la route impliquant l’un de ses salariés sur son trajet domicile-travail, même s’il s’agit d’une proportion un peu plus élevée qu’en 2022 (49% ; +6pts). Ils sont en revanche 64% à considérer qu’elle l’est sur un trajet effectué dans le cadre de son activité (-1 pt). Parallèlement, le sentiment d’être suffisamment informé sur le sujet est disparate. Seule la moitié des dirigeants s’estiment suffisamment informés sur les enjeux et les règles relatifs au risque routier en France (53%). Une proportion qui demeure donc majoritaire, mais à la baisse par rapport à 2022 (-6 pts). Des écarts sont également perceptibles selon plusieurs critères. Ce sont en effet les dirigeants du secteur du BTP (71%), d’entreprises de plus de 250 salariés (69%) et ceux travaillant en région parisienne (74%) et dans le Nord-est de la France (74%) qui s’estiment les mieux informés. Ces observations peuvent sans doute être mises en lien avec le fait que seule une proportion marginale des dirigeants de l’échantillon ait déjà eu à engager sa responsabilité lors d’un accident de la route impliquant l’un de ses salariés dans le cadre de son activité professionnelle ou sur son trajet domicile-travail (6%).

A noter également que la connaissance de la responsabilité de l’employeur, et le sentiment d’être bien informé sont beaucoup moins élevés dans les TPE par rapport aux entreprises de 10 salariés et plus. En cohérence avec cette observation, l’étude montre que les risques routiers sont principalement mentionnés dans le Document Unique des entreprises de plus de 10 salariés : notamment par 82% des entreprises de 250 salariés et plus (+43 pts vs TPE).

 

 

Chez les dirigeants, de forts écarts persistent dans les pratiques de prévention selon la taille de l’entreprise.

La mise en place d’actions de prévention varie significativement selon la taille de l’entreprise. Si 11% des TPE de moins de 10 salariés ont déjà mis en place des actions de prévention du risque routier à l’attention de leurs salariés, c’est le cas de 91% des entreprises de plus de 250 salariés.  Plus spécifiquement, la mise en place d’actions de prévention à l’égard des modes de déplacements doux reste marginale, et ne concerne que 14% des dirigeants ayant déjà mis en place des actions de prévention du risque routier. Ces disparités d’engagement des dirigeants sur le sujet se retrouvent aussi dans la faible propension des entreprises de moins de 250 salariés à avoir déjà planifié des actions de sensibilisation au risque routier pour l’année 2023 (58% des entreprises de 520 salariés et plus en ont déjà planifié, contre 13% ou moins pour celles de moins de 250 salariés).

 

 

Les actifs attendent principalement de leur entreprise qu’elle mette en place des actions de prévention et de sensibilisation. La réduction des déplacements professionnels n’est pas perçue comme une attente prioritaire.

Du côté des actifs, un peu plus d’un quart d’entre eux considèrent que les actions mises en place par leur entreprise sont régulières (26% ; +3 pts vs 2022). Une proportion en nette augmentation déclare en revanche avoir déjà suivi une ou plusieurs formations de sensibilisation aux risques routiers (32% ; +7 pts vs 2022). Au final, même si les entreprises de moins de 250 salariés ne semblent pas s’être plus engagées en matière de prévention des risques, des progrès ont pu être observés en termes de participation de la part des actifs. Malgré l’adoption occasionnelle – mais consciente – de comportements à risque lors de leurs trajets professionnels, les actifs attendent un engagement concret de la part de leur employeur sur le sujet des risques routiers, via la mise en place d’actions de prévention et de sensibilisation. 29% des actifs interrogés (+6 pts vs 2022) préconisent ainsi l’instauration dans leur entreprise d’une charte de « bonnes pratiques » au volant, 28% la mise en place de formations de sensibilisation aux risques routiers (+3 pts), 27% l’organisation d’une journée Sécurité routière (27% ; -4 pts), 25% la diffusion de messages de sensibilisation au risque routier et 20% la mise à disposition d’outils pédagogiques sur la conduite. Une réduction du nombre de déplacements professionnels apparaît alors non seulement comme une attente secondaire de la part des actifs, mais qui perd en attrait depuis 2015 (-8 pts).

 

 

Le sentiment que la réduction des déplacements professionnels n’est pas l’action prioritaire à mener pour lutter contre les accidents lors des déplacements professionnels de leurs employés est partagé par les dirigeants.

De même, chez les dirigeants, la réduction des déplacements professionnels n’est pas considérée comme une solution privilégiée pour lutter contre les accidents de la route. Alors que près d’un quart d’entre eux (23%) avaient donné des consignes dans leur entreprise aux salariés pour les inciter à diminuer leurs trajets professionnels en voiture ou deux roues motorisés en avril 2022, seuls 15% des dirigeants déclarent les faire perdurer cette année, principalement dans les entreprises de plus de 250 salariés (56%) et celles situées en région parisienne (42%).

 

 

Les actifs et des dirigeants ont des attentes croissantes à l’égard du gouvernement en matière de lutte contre la consommation de psychotropes et des distracteurs de conduite.

Au-delà des actions qu’ils mettent en place au sein de leur entreprise, les dirigeants attendent principalement des pouvoirs publics des actions en matière de lutte contre la consommation de psychotropes au volant : 62% mentionnent l’alcool (-4 pts vs 2022) et 55% les stupéfiants (+9 pts). Les distracteurs de conduite ne sont cités que dans un second temps (40%), loin devant la vitesse (21%), la gestion de la fatigue au volant (12%) et le port de la ceinture de sécurité (6%).

De même, les actifs interrogés ont des attentes croissantes de la part du gouvernement en matière de lutte plus efficace contre la consommation d’alcool au volant (40% ; +6 pts vs 2022) et les distracteurs de conduite (36% ; +4 pts). La mise en place de solutions de transports alternatives à l’utilisation de l’automobile est la troisième action jugée la plus prioritaire pour lutter contre le risque routier (34% ; -1 pt). La limitation des déplacements via la favorisation du télétravail, privilégié principalement en période post-covid, perd du terrain en 2023 et ne semble plus être aussi importante – ou tout du moins apparaît moins comme la prérogative du gouvernement – dans le contexte actuel (29% ; -7 pts).

 

 

Les mesures destinées à réduire les déplacements en voiture individuelle lors de trajets professionnels sont à ce jour peu identifiées par les actifs.

Plusieurs mesures ont récemment été mises en place par le gouvernement pour inciter à diminuer les transports en véhicules motorisés des professionnels.

C’est le cas notamment du « forfait mobilités durables », un forfait exonéré d’impôts et de charges sociales, accordé aux salariés utilisant un mode de déplacement doux et introduit en mai 2020. Ce dernier ne bénéficie toutefois pas à ce jour d’une notoriété très élevée, puisque seuls 32% des actifs en ont entendu parler. Un quart des actifs déclarent que leur entreprise a déjà mis en place ce forfait pour favoriser les mobilités douces (25%), principalement au sein de l’agglomération parisienne (35%). Les dirigeants interrogés sont en revanche très peu nombreux à avoir déjà mis en place le « forfait mobilités durables » (2%).

Deux autres mesures gouvernementales ont été mises en place au cours de l’année 2023 pour les déplacements professionnels en voiture. Premièrement, la mise en place d’une indemnité carburant de 100€ pour les personnes qui utilisent quotidiennement leur véhicule pour travailler ou se rendre au travail. La mesure bénéficie d’une très bonne notoriété, puisque 91% des actifs interrogés en ont entendu parler, et un quart d’entre eux ont même pu en bénéficier (26%). Deuxièmement, la mise en place d’une prime de 100 € pour les conducteurs qui se lancent dans le covoiturage courte distance (inférieur à 80 km). Des doutes sont cependant exprimés quant à son efficacité. Si 44% jugent cette mesure efficace, ils ne sont que 8% des actifs à la juger « très efficace ».

 

 

Conclusion

Les résultats de cette enquête ne concluent pas à une meilleure appropriation des enjeux relatifs au risque routier chez les actifs et les dirigeants d’entreprise depuis 2015. L’importance du risque demeure sous-estimée pour ces deux cibles. De plus, les comportements à risques des actifs ne tendent pas non plus à la baisse. En outre, les actions de prévention à l’égard de ces risques restent minoritaires dans les entreprises, et ce sont celles de plus de 250 salariés qui se montrent les plus engagées sur le sujet. Néanmoins, la progression de la participation des actifs à des formations de sensibilisation apparaît encourageante. Les actifs attendent en effet de la part des dirigeants qu’ils se positionnent sur ce sujet, principalement en matière d’information et de sensibilisation aux risques. La réduction des déplacements n’est en revanche pas envisagée comme une solution prioritaire pour lutter contre ces risques

 

 

[1] Dans l’ensemble de cette note, les chiffres se rapportent aux actifs s’entendant au sens de cette catégorie.

[2] https://www.securite-routiere.gouv.fr/chacun-sa-conduite/le-risque-routier-professionnel

Document à télécharger

Les résultats de l'enquête

Méthodologie de recueil

DIRIGEANTS : L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 250 dirigeants d’entreprises*, représentatif des entreprises françaises de un à 1000 salariés. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (taille et secteur d’activité) après stratification par région. Les interviews ont été réalisées par téléphone sur le lieu de travail des personnes interrogées du 3 au 14 avril 2023. * Ont été exclus du champs de l’enquête, les professionnels de la route (entreprises de chauffeurs routiers, de taxis, d’ambulanciers, de coursiers, de conducteurs de bus…), les indépendants sans salariés et les dirigeants d’entreprises dans lesquelles aucun salarié ne conduit un véhicule pour un trajet de mission ou un trajet domicile-travail

ACTIFS : L’enquête a été menée auprès de 516 personnes effectuant des déplacements professionnels au moins une fois par mois**, extraites d’un échantillon de 1400 personnes représentatif de la population active occupée française. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession, secteur d’activité) après stratification par région. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 3 au 13 avril 2023. ** Hors professionnels de la route (coursiers, livreurs, ambulanciers, chauffeurs de taxi, conducteurs routiers)

Vos interlocuteurs

Fabienne Gomant Directrice adjointe du pôle Opinion & Stratégies d'Entreprises

Marie-Agathe Deffain Chargée d'études - Département Opinion & Stratégies d'Entreprise

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DIRIGEANTS : L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 250 dirigeants d’entreprises*, représentatif des entreprises françaises de un à 1000 salariés. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (taille et secteur d’activité) après stratification par région. Les interviews ont été réalisées par téléphone sur le lieu de travail des personnes interrogées du 3 au 14 avril 2023. * Ont été exclus du champs de l’enquête, les professionnels de la route (entreprises de chauffeurs routiers, de taxis, d’ambulanciers, de coursiers, de conducteurs de bus…), les indépendants sans salariés et les dirigeants d’entreprises dans lesquelles aucun salarié ne conduit un véhicule pour un trajet de mission ou un trajet domicile-travail

ACTIFS : L’enquête a été menée auprès de 516 personnes effectuant des déplacements professionnels au moins une fois par mois**, extraites d’un échantillon de 1400 personnes représentatif de la population active occupée française. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession, secteur d’activité) après stratification par région. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 3 au 13 avril 2023. ** Hors professionnels de la route (coursiers, livreurs, ambulanciers, chauffeurs de taxi, conducteurs routiers)

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