Le projet de loi présenté par Marisol Touraine en octobre 2014 rencontre une opposition ferme de la part des médecins libéraux. Qu’ils soient généralistes ou spécialistes, les médecins n’adhèrent à aucune mesure contenue dans le projet de loi. 38% d’entre eux se révèlent en effet favorables à la refondation du service public hospitalier autour d’un bloc d’obligations, ce qui constitue la mesure la moins impopulaire au sein de la profession. La génération du tiers-payant, mesure la plus présente dans le débat public, cristallise quant à elle le plus fort rejet, approuvée par seulement 11% des personnes interrogées. Pour le reste, 16% sont favorables à l’instauration d’un service territorial de santé au public, organisé par les acteurs locaux sous la tutelle des ARS, 28% à la pratique du testing et 29% à l’évolution des compétences médicales.
Dans cette perspective, les médecins libéraux réclament majoritairement le retrait du projet de loi dans son intégralité (57%). 34% ne souhaitent que sa réécriture partielle, tandis que 2%, une part marginale, se positionnent sur un maintien en l’état. Médecins généralistes et spécialistes s’avèrent aussi partisans les uns que les autres d’un retrait du projet de loi, et c’est dans l’agglomération parisienne que l’opposition se révèle la plus forte. Le mécontentement des médecins se concrétise par une forte mobilisation en vue de la manifestation du 15 mars contre la loi Touraine. La propension à participer à la manifestation s’élève en effet à 41%, ce taux montant à 50% parmi les médecins les plus âgés, et à 58% parmi ceux de l’agglomération parisienne. Rappelons qu’aucune extrapolation n’est possible quant au nombre de médecins qui battront réellement le pavé le 15 mars prochain, tant il est fréquent de constater un passage à l’acte en retrait par rapport aux intentions affichées. A ce titre, élément de nuance important, seuls 22% des interviewés déclarent leur intention « certaine » d’aller manifester.
Cette contestation des évolutions envisagées dans le projet de loi santé du gouvernement se répercute sur la cote de popularité de la Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, qui se situait déjà à un bas niveau. 9% des médecins libéraux seulement (et même 5% des médecins généralistes) ont aujourd’hui confiance en leur Ministre, ce qui traduit une baisse de 16 points par rapport à la précédente mesure, en mars 2014. Depuis sa nomination, Marisol Touraine a donc perdu 43 points de soutien. Pis, les médecins sont désormais une majorité (62%) à ne pas lui faire « du tout » confiance. Aucune catégorie de médecins n’apparaît réellement plus clémente.
Il s’agit ainsi du niveau le plus bas enregistré pour un ministre de la Santé depuis octobre 2002, en-dessous de la barre des 15% de confiance de Philippe Douste-Blazy en janvier 2005, à la suite de l’entrée en application des premiers dispositifs de la réforme de l’Assurance maladie. Roselyne Bachelot, au lendemain de l’épisode très controversé de la vaccination contre le H1N1 et alors que le gouvernement auquel elle participait souffrait d’une forte impopularité, bénéficiait elle aussi d’une cote supérieure à celle que l’on mesure aujourd’hui pour Marisol Touraine, signe du caractère exceptionnel de la désaffection dont pâtit la ministre de la Santé. Si cette dernière devait être remplacée dans le cadre d’un remaniement ministériel, aucune personnalité ne se dégagerait majoritairement dans les souhaits des médecins pour prendre sa suite. Cependant, 25% des médecins libéraux en appelleraient à Martin Hirsch et 14% à Claude Evin.
Il n’est dès lors guère étonnant de voir les médecins, corporation dont on sait qu’elle est relativement peu abstentionniste et qu’elle a une influence non négligeable sur les comportements électoraux de la population en général, se montrer particulièrement nombreux (37%, soit à peine 3 points de moins que les Français dans leur ensemble), à vouloir sanctionner le gouvernement à l’occasion des prochaines élections départementales. Rappelons qu’en 2014, à l’occasion des élections municipales, 25% « seulement » faisaient part de cette intention.
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