Que pensent vraiment les Français de « l’affaire Mila» ? A l’occasion du dossier consacré par sa rédaction à l’affaire Mila, Charlie Hebdo a commandé à l’Ifop une enquête pour mesurer l’opinion des Français sur cette polémique et plus largement la question du blasphème et de la liberté d’expression.
Réalisé auprès d’un échantillon national représentatif de taille conséquente (2000 personnes), cette enquête montre que l’opinion soutient majoritairement la jeune fille tout en désavouant Nicole Belloubet et le parquet qui a lancé une information judiciaire à l’encontre de l’adolescente. Cependant, le droit au blasphème, acquis depuis la loi de juillet 1881 sur la liberté de la presse, est loin de faire l’unanimité : l’opinion se partageant en deux parties strictement égales sur le sujet.
Mila soutenue par une petite majorité de Français
Depuis l’éclatement de cette polémique, deux hashtags sont apparus sur les réseaux sociaux comme Twitter : #JesuisMila pour exprimer son soutien à la jeune fille et #JesuispasMila pour lui exprimer sa désapprobation. S’il étaient obligés de choisir, une petite majorité de Français (53%) répondent qu’ils se positionneraient sur le hashtag #JesuisMila, sachant que ce soutien à la jeune lesbienne tend à croître avec leur niveau social, culturel et économique.
#JesuispasMila : Ségolène Royal en porte à faux avec les électeurs socialistes
L’ancienne ambassadrice des pôles Ségolène Royal, qui a récemment affirmé qu’il était « absolument pas » question pour elle d’afficher le hashtag #JeSuisMila (mot-dièse créé sur les réseaux sociaux en soutien à la jeune homosexuelle) apparaît en porte à faux avec la majorité des sympathisants de gauche qui, du PS (58%) a la LFI (53%) en passant par EELV (53%), expriment tous majoritairement leur soutien à la jeune fille menacée de viol et de morts.
Un positionnement étroitement lié à son degré d’affranchissement de la religion
Mais la variable qui joue le plus dans la position des Français sur le sujet est leur appartenance religieuse et plus précisément leur degré de pratique religieuse : seule une minorité des catholiques pratiquants soutiennent Mila alors que c’est le cas de la majorité des catholiques non pratiquants (56%) et des athées (58%). Les musulmans se positionnent en revanche massivement (à 82%) sur le hashtag #JesuispasMila, tout comme une majorité de jeune (52%) et de sympathisants macronistes (53%).
Belloubet désavouée
Une nette majorité de Français (56%) expriment leur désaccord à l’égard de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui avait affirmé que les insultes de la jeune fille à l’encontre des religions constituaient « une atteinte à la liberté de conscience ».
Des propos qui ne sont pas perçus comme racistes dans l’opinion publique
De même, le motif pour lesquels les services de son ministère avaient, via le parquet de Vienne, lancé une information judiciaire pour « appel à la haine raciale » à l’encontre de l’adolescente apparaît infondé aux yeux d’une large majorité de l’opinion : 58% des Français estiment que les propos tenus par Mila ne relèvent pas de la « provocation à la haine à l’égard d’un groupe de personnes, à raison de leur appartenance à une race ou une religion déterminée ».
Des Français néanmoins très partagés sur le droit au blasphème
Cette affaire, qui a soulevé la question du droit au blasphème posé depuis plusieurs années par Chalie Hebdo, montre en revanche que l’opinion publique est très clivée sur ce droit pourtant acquis depuis la loi de juillet 1881 sur la liberté de la presse : 50% des Français se disent favorables à ce droit de critiquer, même de manière outrageante, une croyance, un symbole ou d’un dogme religieux, contre 50% qui y sont opposés.
Dans le détail des résultats, il est intéressant de noter que les Français les moins favorables au droit au blasphème sont, après les musulmans (34%) et les protestants (32%), les jeunes de moins de 25 ans (41%), les personnes ayant un faible capital social et culturel ainsi que les sympathisants des Républicains (39%).
Le point de vue de Gérard Biard, rédacteur-en-chef de Charlie Hebdo :
Cette enquête révèle une énorme confusion entre l’injure contre une religion et ses symboles – qui est légale – et l’appel à la haine contre les croyants – qui est puni par la loi. Encore plus grave, elle montre aussi que la moitié des Français, majoritairement les plus jeunes, pensent que la France est toujours la fille aînée de l’Église – ou, pour certains, qu’ils voudraient quelle devienne la petite soeur de la mosquée.
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