Au lendemain du discours de Toulon prononcé par Nicolas Sarkozy et à la veille de nouvelles rencontres européennes au sommet, les Français sont très partagés concernant la poursuite de la construction européenne. Dans le contexte actuel de crise, 48 % souhaitent ainsi une intégration européenne renforcée avec une politique économique et budgétaire unique quand 49 % penchent pour moins d’intégration européenne et des politiques économiques et budgétaires propres à chaque Etat.
Cette ligne de fracture oppose deux Frances mais le clivage, comme lors de tous les grands débats européens (Maastricht et le référendum sur le Traité Constitutionnel en 2005), ne renvoie pas principalement à la division gauche/droite puisque 53% des sympathisants socialistes et quasiment la même proportion des soutiens de l’UMP (57%) sont favorables à davantage d’intégration. Le clivage est davantage socioculturel. Dans le camp des partisans d’une intégration européenne plus poussée, on retrouve ainsi la « France d’en haut » : 67% des cadres et des professions libérales et 53% des habitants de la région capitale sont favorables à cette option. En face, dans le camp des tenants d’une moindre intégration, se dessine la « France d’en bas ». 60% des employés, 62% des ouvriers et 53% des ruraux se rangent dans cette catégorie à laquelle se rattache également une majorité de femmes (52%) quand une majorité d’hommes (53%) soutient davantage d’intégration.
Si ce clivage n’est pas structuré selon une logique gauche/droite, il revêt néanmoins une forte dimension politique et donne à voir une opposition entre les partis « centraux et modérés» et les partis plus radicaux et contestataires comme lors des référendums de Maastricht et sur le TCE. Quand le soutien à une nouvelle étape vers le fédéralisme atteint 53% au PS et 57% à l’UMP et même 63% parmi les proches du Modem, il n’est que de 39% parmi les proches du Front de Gauche, 41% parmi ceux de l’extrême-gauche et 24% chez les sympathisants du FN.
Ces lignes de force qui déterminent depuis de nombreuses années le rapport à la construction européenne sont donc toujours en place mais force est de constater, que sous l’effet de la crise et de l’évolution très heurtée et rapide de la situation économique et politique dans la zone euro, l’opinion publique peine à se stabiliser sur cette question et connaît elle aussi des mouvements assez erratiques. Le souhait d’intégration a ainsi gagné 5 points en deux semaines après en avoir perdu 8 entre septembre et novembre. Sur la dernière période le souhait de davantage d’intégration a le plus progressé dans les catégories les plus fragilisées : + 12 points parmi les femmes (contre -2 auprès des hommes), + 14 chez les employés et + 16 dans la tranche d’âge des 35/49 ans, concentrant le plus d’actifs.
De l’évolution de la situation économique et de l’avancée des négociations entre les différents gouvernements dépendra les mouvements de l’opinion dans les prochains mois, notamment dans les catégories les plus exposées à la crise dont l’adhésion à une intégration renforcée est loin d’être acquise à ce jour.
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