Une dizaine de jours après l’entrée en vigueur du reconfinement, où en sommes-nous de l’application des mesures anti-Covid dans la sphère personnelle comme professionnelle ? Alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer un durcissement des règles de confinement, les mesures sanitaires mises en place depuis le 30 octobre sont-elles acceptées et surtout respectées par les Français ? Au-delà des impressions personnelles sur un confinement qui serait plus « mou » qu’au printemps, l’Ifop a cherché à mesurer de quelle manière les consignes étaient à la fois vécues et perçues par les Français. Réalisée pour le site Consolab auprès d’un échantillon national représentatif de taille significative (2 030 Français dont 1 097 salariés), cette enquête montre globalement une moindre acceptation des règles mesures anti-Covid tant sur le plan psychologique que dans les différentes formes d’interactions sociales. En effet, tant dans leur vie personnelle que professionnelle, les Français apparaissent davantage enclins à transgresser les nouvelles règles, y compris la règle selon laquelle le télétravail est une obligation, pas une option…
1) Un reconfinement qui mine le moral des Français…
Anxiété, dépression, idées suicidaires… Dans un contexte automnal habituellement propice aux dépressions saisonnières, quelles sont les répercussions psychologiques de nouvelles restrictions sanitaires?
Au regard des résultats, le reconfinement semble plus difficile à vivre psychologiquement qu’en mars si l’on juge par la proportion de Français admettant ne pas avoir le moral : 28% début novembre, contre 20% lors du premier confinement (avril) et à peine 16% à la même époque l’an passé (novembre 2019).
Plus généralement, ce reconfinement semble avoir favorisé une usure psychologique générale. L’annonce du reconfinement (ou du couvre-feu dans les zones concernées) a ainsi accru le nombre de personnes victimes d’anxiété (27 %, soit une hausse de 7 points), de troubles du sommeil (38 % soit 6 points de plus) mais aussi de dépression (12 %, une augmentation de 3 points), sachant qu’à chaque fois, les femmes sont davantage affectées que les hommes.
En raison du confinement, la majorité des Français ressent aussi plus fortement que d’habitude un sentiment de tristesse (52 %), en particulier les femmes (60 %), les jeunes (56 %) et les personnes confinées seules (54 %). De même, le reconfinement a suscité un sentiment de désespoir chez plus d’un tiers des Français (36 %), en particulier chez les femmes (41 %), les jeunes (49 %) et les personnes n’ayant pas d’espace extérieur dans leur logement (47 %).
Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle Politique et Actualité à l’Ifop :
Au regard des résultats, on sent bien que les Français risquent d’avoir plus de mal à vivre ce second confinement, notamment en raison d’un effet de saisonnalité : les dépressions saisonnières se manifestant déjà plus classiquement en novembre, période où la luminosité diminue en même temps que les relations sociales. Dans un contexte où s’ajoute l’inquiétude liée au terrorisme se mêle au sentiment d’une crise sanitaire sans fin, tous ces indicateurs mettent en exergue une usure psychologique générale qui affecte en particulier les personnes déjà fragilisées avant le confinement. La proportion de personnes admettant une dépression ou un mauvais état psychologique a atteint ainsi des sommets, notamment chez des femmes déjà généralement plus sujettes à l’anxiété et aux troubles du sommeil.
2) Un isolement social et des besoins affectifs sources de transgression…
Cette usure psychologique est d’autant plus préoccupante qu’elle s’accompagne d’un isolement croissant de la population.
En effet, plus d’un quart des Français admettent n’avoir reçu aucune visite à leur domicile les trois derniers mois avant le reconfinement (août, septembre et octobre), soit une proportion de deux fois supérieure à celle observée durant le trimestre ayant précédé le premier confinement (11 %).
En outre, plus de quatre Français sur dix (41 %) ne sont pas confinés avec un partenaire affectif ou sexuel : seule une courte majorité des Français (59 %) étant confinée avec quelqu’un avec qu’ils sont en couple.
Toutefois, 14 % des Français confinés seuls ont, en dehors de leur foyer, au moins un partenaire avec qui ils peuvent avoir un rapport sexuel régulier ou occasionnel.
Cette situation est source de transgression chez nombre de Français : un tiers des Français confinés seuls et ne disposant pas d’un partenaire sexuel ont déjà retrouvé ce dernier chez eux ou à son domicile (32 %). De plus, un quart d’entre eux a l’intention de le faire d’ici la fin du confinement. La disposition à transgresser le confinement à des fins sexuelles est ainsi particulièrement forte chez les hommes (69 %) et les jeunes (63 %).
Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle Politique et Actualité à l’Ifop :
Les troubles psychologiques étant étroitement liés au niveau d’’isolement – selon le principe que plus on est isolé socialement, plus on est fragile sur le plan psychologique –, la raréfication des relations sociales pose donc un véritable problème de santé publique, en particulier pour les Français (4 Français sur 10) qui vont affronter ce second confinement seuls. Car si une part non négligeable d’entre eux pourra quand même avoir un partenaire sexuel régulier ou occasionnel en dehors de leur foyer, on sent bien que les besoins affectifs et sexuels sont également une source de transgression des règles et mesures de confinement, favorisés en cela par les assouplissements des règles de déplacement.
3) Déplacements : des Français moins disciplinés que lors du premier confinement
Les jeunes sont également la catégorie de la population qui envisagent le plus de changer de résidence d’ici la fin du confinement (21 % des jeunes de moins de 25 ans l’envisagent), soit un taux trois fois supérieur à ce que l’on observe dans le reste de la population.
Ecoles ouvertes, déplacements professionnels encore visibles, parcs accessibles, liste de commerces de première nécessité plus large… plusieurs facteurs poussent les Français hors de chez eux. En effet, en à peine une semaine, une majorité de Français admet avoir déjà transgressé les règles de circulation depuis l’entrée en vigueur du confinement le 30 octobre 2020 : 60 %, soit quasiment deux fois plus que ce que l’Ifop avait pu observer lors du premier confinement après 6 semaines (33%).
La proportion de Français ayant vu des membres de leur famille chez eux (ou à leur domicile) a progressé de manière significative (+ 8 points, à 23 %) par rapport à ce que l’Ifop avait pu observer au milieu du premier confinement. De même, la proportion de Français se déplaçant sous un faux prétexte est supérieur de 5 points (14 %) par rapport à ce que l’institut avait relevé fin avril 2020 lors du premier confinement.
Au total, en à peine une semaine, 6 Français sur 10 (60 %) ont déjà transgressé au moins une fois les règles de déplacement.
4) Un irrespect de l’obligation de télé-travailler largement répandu chez les salariés
Toutes les transgressions du confinement ne sont toutefois pas toutes de la responsabilité des Français si l’on juge par les résultats de cette enquête qui, pour la première fois, permet de mesurer l’ampleur du manque d’application de la règle du 100% télétravail édictée par le gouvernement.
En effet, sur un sous-échantillon de 1094 salariés, l’Ifop a ainsi isolé les salariés exerçant une activité télétravaillable qui, pour près de la moitié d’entre eux, rapportent que leur entreprise ne respecte pas scrupuleusement l’obligation de passer en télétravail : 46 % des salariés rapportent que leur hiérarchie ne respecte pas le 100 % de télétravail imposé pour l’ensemble des salariés de leur entreprise (ou administration). De même, plus d’un quart d’entre eux (27 %) rapporte que leur hiérarchie leur a déjà demandé de venir sur leur lieu de travail alors que ce n’était pas indispensable. Face à ces comportements, la grande majorité des salariés choisissent le silence : à peine 11 % d’entre eux ont rapporté les faits à leur syndicat et ils sont deux fois moins nombreux à les avoir rapportés à l’inspection du travail.
Ainsi, aujourd’hui, moins de la moitié des salariés ayant un poste totalement télétravaillable travaille tous les jours depuis leur domicile : 40 % alternent entre présentiel et télétravail et 14 % travaillent tous les jours dans leur entreprise.
Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle Actualités de l’Ifop
Cette faible dénonciation aux syndicats ou aux inspecteurs du travail s’explique soit par la peur, soit par le fait qu’ils ne sont pas forcément en désaccord sur cette pratique. En effet, si tous les salariés télétravaillables ne sont pas en télétravail ce n’est pas forcément contre leur volonté, une large majorité de salariés préférant alterner les situations de présence et de télétravail. Il y a sans doute là un désir de conserver un lien social, une dynamique d’équipe, ou même se changer les idées, et ceci même aux dépens de leur santé… Au regard de ces résultats, la question d’un durcissement des règles d’application du confinement se pose donc bien aux autorités…
Pour en savoir plus sur les enseignements de cette étude ou pour obtenir des informations quant aux conditions de réalisation d’un sondage visant à accroître le référencement naturel de votre site dans une logique S.E.O., vous pouvez contacter directement François Kraus au 0661003776 (francois.kraus@ifop.com)
POUR CITER CETTE ÉTUDE, IL FAUT UTILISER A MINIMA LA FORMULATION SUIVANTE :
« Étude Ifop pour Consolab réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 4 au 5 novembre 2020 auprès d’un échantillon de 2 030 personnes (dont un sous-échantillon de 1 094 salariés), représentatif de la population âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine. »