Alors qu’un mois après son lancement l’issue militaire et politique de l’opération Sangaris reste floue, la légère érosion du soutien de l’opinion publique amorcée il y a trois semaines, elle, se confirme. L’adhésion à l’intervention militaire en Centrafrique est ainsi passée de 51% à 41% en un mois : à peine majoritaire lors de l’ordre d’intervention de François Hollande début décembre (51%), le soutien des Français s’était déjà affaibli dès la première semaine (44%) pour atteindre aujourd’hui 41% d’adhésion des Français. Ainsi, quatre semaines après le début des opérations, quatre Français sur dix déclarent soutenir l’opération française menée en Centrafrique, un faible niveau dont on ne peut s’empêcher de penser qu’il a été atteint bien rapidement comparativement aux opérations militaires récentes. Ainsi, en Libye, il avait fallu attendre le mois de juin 2011 pour que l’opinion soutenant l’intervention militaire soit minoritaire (49%), soit quatre mois après son lancement. Quant à l’opération au Mali, celle-ci a toujours recueilli un pourcentage d’avis favorables supérieur à 50% – l’adhésion enregistrée la plus faible était de 59% en mars 2013, deux mois après son lancement.
Cela dit, l’opération Sangaris se singularise des interventions militaires passées sur plusieurs points. En effet, si l’érosion du soutien populaire est chose commune dans le cadre des actions militaires extérieures menées ces vingt dernières années, il n’en demeure pas moins que, contrairement aux opérations semblables menées récemment (Mali, Libye), l’intervention menée en Centrafrique n’a pas su provoquer l’effet d’union nationale généralement observé lors du déclenchement d’une opération miliaire. Aussi, quand 66% des Français affirmaient être favorables à l’opération en Libye dans ses premiers jours et 63% au Mali, ils n’étaient que 51% il y a un mois lors de l’annonce du déploiement des autorités françaises à Bangui. Partant d’un niveau d’adhésion plus bas, l’opération Sangaris subit également une érosion plus rapide de son soutien populaire : celle-ci accuse une baisse de 10 points depuis son lancement il y a un mois (de 51% d’adhésion à 41%) quand, sur la même échelle de temps, l’opinion française favorable aux opérations menées au Mali était de plus en plus massive. Cette approbation plus molle des Français peut certainement s’expliquer par un effet de lassitude, l’armée française ayant mené un nombre conséquent d’actions à l’étranger ces dernières années (Afghanistan, Côte d’Ivoire, Libye et Mali). Mais la relative impopularité de l’action menée en Centrafrique trouve également ses origines dans la singularité de ce conflit : des objectifs de guerre et des ennemis peu identifiables puisqu’il s’agit de mettre fin à une guerre civile au sein de laquelle la France n’a pas pris parti (tandis qu’il fallait, au Mali, combattre et détruire des organisations terroristes islamistes pouvant, à terme, menacer la France). D’autre part et conséquemment, les retours sur la situation à Bangui ne peuvent faire état que de succès invisibles pour les citoyens français, contrairement encore une fois au Mali où les objectifs avaient été atteints en quelques semaines.
Dans le détail, on constate que la moindre adhésion des catégories traditionnellement les plus frileuses à soutenir les opérations de guerre (les femmes, les jeunes) observée une semaine après le début des opérations, perdure. Ainsi, les femmes sont 37% à se déclarer favorables à l’engagement miliaire en Centrafrique quand les hommes sont 47% (ils étaient respectivement 35% et 53% au début du mois de décembre). En revanche, on observe un soutien plus franc des professions libérales et cadres supérieurs (59%, + 10 points par rapport à la mi-décembre) et un net retrait de celui des ouvriers (32%, -11 points) ; ces derniers étant certainement plus préoccupés par les problématiques nationales. Quant aux divergences politiques, celles-ci restent relativement stables. Ainsi, l’opération reçoit le soutien continu des sympathisants socialistes (70%, +3 points) quand celui des UMP s’ancre encore davantage dans l’opposition (30%, -5 points). L’hostilité massive de l’électorat de Marine Le Pen se confirme également avec seulement un sympathisant sur cinq favorable à l’engagement en Centrafrique (20%, -3 points).
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