Ce sondage pour le forum VIVA montre très clairement que la famille demeure la brique élémentaire des solidarités. Il vient notamment contre-battre l’idée d’une guerre des générations. Quand vous dites « salauds de boomers » ou « fainéants de millénium », vous parlez de vos parents ou de vos enfants et vous ne tenez pas longtemps ce discours. En cas de coup dur, les Français se tourneraient d’abord vers la famille (citée à 73%), loin devant les amis (cités à 40%). Le « maillage familial », lieu de vie que presque tous peuvent expérimenter dans l’enfance quelle que soit la configuration familiale, reste de loin le premier lieu où trouver un soutien.
La culture « no kids » est un sentiment qui se développe principalement dans la jeune génération. Mais nous sommes loin d’un phénomène d’ampleur. La première leçon de ce sondage est l’acquiescement massif des Français à l’idée d’un impact positif de l’arrivée d’un enfant sur le bonheur de ses parents (90%). Cette opinion augmente chez les personnes ayant déjà vécu l’accueil d’un enfant (93% chez les personnes ayant un enfant, 98% pour celles ayant plusieurs enfants). Et les Français sans enfant sont encore 80% à partager cette opinion. A l’heure de nouvelles baisses de la natalité, la représentation d’un idéal de vie reste celle avec des enfants autour de soi. Par ailleurs, on n’observe pas de différences substantielles dans les réponses selon les préférences partisanes, les professions, le niveau d’étude ou le lieu d’habitation. Il s’agit là d’un consensus transversal à toute la société.
Avoir une vie plus épanouie est une recherche a priori partagée. Mais qu’est-ce qui ferait que sa vie pourrait l’être davantage ? Cette question ne mesure pas une échelle de valeur dans la population. Elle ne porte pas non plus sur un jugement des Français quant à leur niveau de bonheur ressenti. La question porte sur ce qui ajouterait de l’épanouissement compte tenu de la situation actuelle. « Avoir davantage d’argent » est cité par un Français sur deux, et vient en tête des premières citations pour un Français sur 4. On pourra bien sûr confirmer ici l’adage que si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue toutefois fortement. Mais il faut aussi et surtout évoquer le contexte actuel avec de fortes tensions sur le pouvoir d’achat et les fins de mois difficiles pour bon nombre de Français. Les chiffres indiquant une baisse de la consommation alimentaire en volume dans la grande distribution sont là pour rappeler cette réalité. « Avoir une meilleure santé » vient en deuxième position (36%). Cette réponse, dans un pays à la population vieillissante, est compréhensible. Après cinquante ans, il y a véritablement une bascule et les préoccupations liées à la santé deviennent majeures. Si cet item recueille l’assentiment de 24% des 18-24 ans, les plus de 65 ans sont 52% à lui accorder de l’importance. « Avoir une famille aimante » est une réponse encore prioritaire. Nous ne sommes pas là dans une hiérarchie de valeurs mais bien dans des priorités pour affronter concrètement le quotidien. Il est intéressant de noter que cette priorité augmente fortement avec l’âge. Faut-il y voir, en négatif, une inquiétude par rapport à la question de l’isolement lié au grand âge ? Il est permis de le penser.
La traversée de la vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Mais concrètement, en cas de coup dur, vers qui les Français se tournent-ils pour demander de l’aide ? Très loin devant « les amis », placés à 40%, « la famille » avec 73% reçoit un véritable plébiscite. La famille critiquée ou la famille rejetée… voilà des sujets parfois entendus mais qui ne correspondent pas à l’attachement de cœur, au réflexe anthropologique des Français pour qui la famille demeure le premier lieu de solidarité et la première source de solidarité.
Plus inquiétante est la place de la réponse « personne en particulier », qui recueille 18%, soit près de 1 Français sur 5. Dans les tranches d’âge au-dessus de 35 ans, cette réponse dépasse les 20%. Le détail par catégorie sociale montre que les inactifs et les membres des catégories populaires sont également les plus concernés. Le pourcentage monte à 23% chez les 50-64 ans. Là encore, on voit poindre la question de l’isolement des personnes d’un certain âge. Il s’agit indéniablement d’un sujet devenant un véritable enjeu de société.
On notera pour finir des raisons d’espérer car la générosité des Français reste vive. Ils répondent positivement, à 76%, à l’idée de s’engager à passer du temps avec une personne isolée. Certes, l’intention n’est pas un engagement effectif. 27% affirment quand même qu’ils sont « tout à fait disposés » à offrir une heure de leur temps pour une telle cause. La croyance religieuse, le niveau de vie ou l’âge entrainent peu de variations. Il y a là potentiellement des gisements pour les associations en recherche de bénévoles. Mais elles devront tenir compte de la grande question du « temps disponible ». Pour mettre en mouvement ces personnes, les associations devront s’adapter pour répondre aux exigences d’une société se dirigeant de plus en plus vers le « à la carte ». Vaste réflexion pour le mode associatif !