Comment les avocats perçoivent le fonctionnement de la justice française, et quels sont leurs enjeux au quotidien ? L’étude réalisée par l’Ifop pour Doctrine met en lumière les perceptions des avocats sur leur profession.
État des lieux : des avocats critiques sur le fonctionnement de la justice française.
Près des deux-tiers des avocats français (64%) estiment que la justice française ne fonctionne pas de manière satisfaisante. Les plus critiques sur le sujet sont les plus âgés (73% font ce constat chez les 60 ans et plus contre 64% en moyenne), ceux qui exercent en individuel (71%), les indépendants (70%), et dans certains domaines du droit comme le droit immobilier (71%), le droit de la famille (70%), et le droit pénal (77%).
Les avocats sont particulièrement critiques au sujet de la transparence de la justice : une minorité estime en effet que la justice française est suffisamment transparente (45%), 55% déclarant le contraire. Les plus sévères sur cet aspect sont les avocats de moins de 30 ans (67% affirment que la justice française n’est pas suffisamment transparente), ceux qui exercent en individuel (60%), et ceux qui travaillent dans le droit de la famille (64%) et le droit commercial (60%).
Enfin, le projet d’anonymisation des magistrats dans les décisions de justice génère une forte opposition (87% des avocats s’y déclarent opposés), et notamment chez les 60 ans et plus (94%), ceux qui exercent en individuel (92%), les indépendants (92%) et les avocats travaillant dans le droit pénal (94%).
Au quotidien, des avocats centrés sur leur parc client et la recherche juridique, et qui déplorent un manque de visibilité en ligne.
Les principaux enjeux au quotidien des avocats concernent avant tout leur parc client, qu’il s’agisse de sa croissance (52%) ou de sa fidélisation (32%), mais aussi la rapidité et l’efficacité de leur recherche juridique (48%). Dans une moindre mesure, 21% citent le gain en compétitivité et l’augmentation de leur visibilité.
A cet égard, une majorité des avocats estiment que leur visibilité / présence en ligne en tant que professionnel du droit n’est pas satisfaisante (58%). C’est particulièrement vrai pour les avocats les plus jeunes pour qui l’enjeu de visibilité est fort (63% chez les moins de 30 ans). Cet enjeu concerne logiquement plus les avocats exerçant seuls (60% contre 51% dans les cabinets comprenant plus de 5 collaborateurs), qui ne bénéficient pas de la notoriété de la structure et de confrères.
Pour agir sur cette visibilité, à l’heure actuelle, les sites Internet (32%) ainsi que les réseaux sociaux (18%) sont les leviers utilisés prioritairement. Les annuaires d’avocats sont également utilisés par 19%. A la marge, 9% indiquent ensuite utiliser des publications de commentaires d’arrêts sur des médias spécialisés, 4% des prises de parole dans les médias, et 2% des blogs.
Un accès aux décisions de justice jugé médiocre.
L’accès aux décisions de justice, fondamental dans le travail de l’avocat, n’est jugé satisfaisant que par une minorité (46%). Dans ce prolongement, seule une courte majorité juge qu’il est facile de rechercher des décisions de justice dans la pratique (51%). Les avocats dont la date de serment est la plus récente sont les plus critiques sur ces deux points, de même que les collaborateurs par rapport aux associés et indépendants.
Dans le détail, cette difficulté est particulièrement pointée lorsqu’il s’agit d’une décision de justice dont l’avocat a besoin pour un dossier. 88% disent avoir déjà éprouvé des difficultés pour récupérer de l’information disponible dans cette situation. Lorsqu’il s’agit d’accéder à une décision rendue dans un de ses dossiers, seulement 33% mentionnent en revanche une difficulté.
Dans la pratique, les recherches sur le droit applicable et les décisions de justice s’effectuent le plus souvent sur les bases juridiques en ligne, une majorité indiquant s’en servir en priorité (56%). C’est d’autant plus le cas des avocats les plus jeunes (60% pour ceux qui ont prêté serment il y a moins de 5 ans, et 61% entre 5 et 10 ans). Le portail en ligne Legifrance est le deuxième moyen cité par près d’un quart des avocats (24%), utilisé de manière égale selon la date du serment, et relativement plus par les avocats exerçant dans le droit public (44%) et pénal (34%). Dans une moindre mesure, les avocats citent enfin les codes et ouvrages juridiques (12%), les revues juridiques (4%), les outils de veille juridique (2%) et les échanges avec les confrères, consœurs et collègues (1%).
Par ailleurs, ces recherches prennent entre 2 et 10 heures par jour pour près des trois-quarts des avocats (74%), 42% déclarant y passer entre 2 heures et moins de 5 heures, 32% entre 5 heures et 10 heures. Seuls 13% indiquent chercher ces informations juridiques moins de 2 heures par semaine, et 13% plus de 10 heures.
Souhaits concernant les outils de recherches juridiques : des attentes plurielles pour l’avenir.
Les attentes des avocats concernant les outils d’aide à la recherche juridique sont centrées sur une information facile à trouver et pertinente. 40% citent en priorité la facilité de recherche de l’information pertinente, et 25% la pertinence des informations disponibles vis-à-vis des besoins. A la marge, 12% recherchent prioritairement l’exhaustivité, 9% un coût limité, 6% la clarté et 6% l’actualité.
Pour l’avenir, les avocats souhaitent voir les éditeurs juridiques intégrer en priorité des analyses plus poussées des différentes évolutions législatives et judiciaires pour répondre au mieux à leurs besoins en matière de recherche juridique (54% citent cette évolution). Cette attente surpasse de loin celle de personnalisation des contenus proposés (32%) ou d’échanges, qu’il s’agisse de services de questions-réponses à disposition des professionnels (25%) ou de forums d’échanges entre professionnels (10%).