Entretien 03/04/2018

Le spectacle sportif n’a pas [encore] fait sa révolution digitale

Investissements en hausse mais modes de diffusion statiques

 

Sur le papier, le spectacle sportif est une économie florissante. L’inflation des droits de retransmission du football en sont la démonstration. D’appels d’offres en appels d’offres, les diffuseurs font gonfler l’enveloppe qu’ils donnent aux Ligues professionnelles ou fédérations en échange des droits de retransmission des plus prestigieuses compétitions. Ainsi, alors que le montant pour retransmettre la Ligue 1 était de 122 millions en 2000, il dépassera le milliard d’euros pour la période de 2020 à 2024.

 

Cette évolution des investissements contraste avec le relatif conservatisme qui entoure son mode de diffusion et masque les limites structurelles de ce divertissement. Les chaînes de télévision ont toujours la main mise sur ces contenus et la manière de regarder un match de football aujourd’hui ressemble furieusement à ce qu’on pouvait faire il y a 20 ans, c’est-à-dire sur une télévision dans son salon, en payant un abonnement mensuel à une chaîne. A l’heure où l’OTT fait son chemin pour les contenus de fiction, notamment chez les moins de 35 ans, les offres de sport 100% digital comme celle lancée par SFR à l’attention des abonnés des FAI concurrents n’ont ainsi que très peu séduit (15 000 abonnés seulement pour SFR SPORT 100% Digital1). Contrairement à la fiction, le sport n’a pas connu le bouleversement qu’a pu constituer l’arrivée d’un Netflix sur le marché de la fiction. Cette inertie crée un décalage entre la consommation de retransmissions sportives et les usages numériques des jeunes générations structurés autour de la gratuité, l’immédiateté et la personnalisation. Un décalage qui pourrait, à terme, éloigner les Millenials des canaux de distribution officiels des sports traditionnels. On note d’ailleurs que plus de la moitié des 15-24 ans2 s’intéressant aux retransmissions sportives se sont tournées vers des moyens parallèles en le faisant gratuitement via Internet (Streaming, réseaux sociaux…).

 

Changer les règles du jeu pour s’adapter

 

Soucieuses de ne pas rompre le lien avec les nouvelles générations, les Ligues de sport pourraient remettre en question la mise en scène de leur discipline. Le premier aspect de ce chantier concerne l’identité des diffuseurs. Les géants du numérique, instigateurs des nouvelles normes de consommation sur Internet pourraient ainsi entrer dans la danse des appels d’offres (Amazon, Facebook et Twitter l’ont déjà fait sur le marché américain) et lancer un modèle de diffusion totalement différent, sans abonnement, financé par de la publicité ciblée et mettant les liens communautaires des téléspectateurs au centre de l’expérience client (recommandations de matchs à voir, commentaires, échanges avec les autres supporters…). Au-delà du mode de diffusion, certaines fédérations envisagent de faire purement et simplement évoluer les règles de leur sport pour le rendre plus compatible avec les attentes des Millenials faisant la part belle aux contenus courts, intenses et viraux. Ainsi le comité du Grand Chelem de tennis étudient plusieurs pistes pouvant permettre d’accélérer le déroulé d’un match de tennis, d’en réduire les temps mort (réduction du temps de latence autorisé entre deux points, moins de jeux par set, moins de points par jeu… etc) et le rendre plus captivant aux yeux d’une génération caractérisée par son impatience.

 

L’esport va-t-il vampiriser les sports « physiques » ?

 

Emanation directe de ces nouveaux standards de consommation audiovisuelle, l’eSport n’a pas ces problèmes et s’avance comme une discipline au futur radieux. Dans le monde, les 15-24 ans auraient passé plus de temps à regarder des compétitions d’eSport que d’évènements traditionnels. Les marques et les clubs de football eux-mêmes ne s’y sont pas trompés, investissant  dans ce qui pourrait constituer un relais de croissance précieux auprès de ces jeunes qui leur glissent entre les doigts et reconnaissant par là même qu’un lifting des évènements traditionnels ne suffira peut-être pas. Pour la première fois depuis 20 ans, le dernier appel d’offres du championnat anglais a d’ailleurs abouti à un montant plus faible que le précédent, preuve qu’il est nécessaire de se réinventer pour continuer à séduire le plus grand nombre.

 

1 – Source : L’Equipe du 18 janvier 2018

2 – Source : Données Ifop

 

écrit par Jean-Charles Malbernard

Votre interlocuteur

Jean-Charles Malbernard Directeur d'études - Media & Digital

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