A l’occasion du Salon des Maires (19-21 novembre 2024), l’Ifop a réalisé pour Politicae, une plateforme de conseil et de formation à l’engagement dans la vie politique locale, une grande enquête sur le rapport des Français à leur maire et leurs perspectives de reconduction aux prochaines élections. Réalisée auprès d’un échantillon d’un échantillon national représentatif de 2000 personnes, cette étude montre que si les équipes municipales bénéficient globalement d’un regain de popularité associée à leur bonne gestion des deniers publics et des services publics de proximité, la campagne à venir s’annonce plus serrée qu’en 2020, notamment pour les maires de communes des grandes agglomérations (ex : ville-centre, banlieues populaires) et/ou achevant leur premier mandat. Dans un contexte où les attentes des électeurs semblent plutôt en phase avec celles des forces politiques défendant l’ « ordre » à la fois dans les rues et dans les comptes, les maires sortant de gauche entament leur fin de mandat avec une assise moins confortable que les maires de droite.
MALGRE UN REGAIN DE POPULARITÉ, LA RÉÉLECTION DES MAIRES SORTANTS EN 2026 SEMBLE LOIN D’ETRE AISÉE, NOTAMMENT DANS LES GRANDES VILLES ET/OU DES MUNICIPALITÉS TENUES PAR LA GAUCHE
1 – La popularité des maires s’est renforcée ces dernières années avec un taux de satisfaction qui monte à 70%, soit nettement au-dessus de ce que l’Ifop avait mesuré il y a sept ans (61% en 2017) au milieu du précédent mandat (2014-2020). Dans un contexte national marqué par une forte instabilité parlementaire et une dégradation des finances publiques de l’Etat, le maire apparaît sans doute comme un acteur de confiance, stable et facilement identifiable, à la tête d’une institution qui assure les services publics du quotidien.
2 – Signe qu’une popularité liée à la fonction n’induit pas toujours une popularité aux élections, le niveau de souhait de réélection du maire est, lui, plus mesuré : seuls 52% des électeurs souhaitent que leur maire soit réélu(e) en 2026, soit un taux similaire à celui observé quelques mois avant le dernier scrutin en 2020 (53%). Mais ce taux varie sensiblement en fonction de la couleur politique de la commune : 56% des électeurs ayant un maire de droite souhaitent sa réélection, contre 47% des électeurs ayant un maire de gauche ou du centre.
Souvent à la tête de ville taille moyenne, de banlieues aisées ou de communes rurales où l’attachement à la figure du maire reste prédominant, les élus issus de la droite républicaine (LR, DVD) partent donc avec un capital électoral plus large que leurs concurrents issus de la gauche (ex : PCF, EELV, PS, DVG) ou du centre (ex : Modem, Renaissance, Horizons, DVC). Il est vrai aussi que leur profil – souvent plus masculin, plus âgé et plus expérimenté que la moyenne – ne peut leur être que favorable auprès d’un électorat plus disposé à réélire les maires de sexe masculin (55%, contre 46% envers les maires femmes), dans la force de l’âge (53% chez les maires de plus de 35 ans, contre 39% de ceux de moins de 35 ans) ou qui n’en sont pas à leur premier mandat : 55%, contre 50% des maires élus pour la première fois en 2020.
3 – Au regard des résultats de l’étude, l’identification des étiquettes partisanes des maires sortants reste limitée dans un contexte général de démonétisation des étiquettes partisanes où les électeurs poussent à la fois à une personnalisation du scrutin et une localisation des enjeux de campagne (cf étude Ifop/ADCF 2024) : à peine la moitié des habitants de villes communistes ou écologistes sont capables d’identifier correctement la couleur politique de leur maire (51%), tout comme les habitants des villes de droite modérée (44%), le taux de bonnes réponses étant encore plus faible dans les communes dirigées par un maire du centre (17%).
LES PERSPECTIVES DE RÉÉLECTION DES MAIRES PARAISSENT TRES CORRÉLÉES AU JUGEMENT GLOBAL PORTÉ SUR L’ENSEMBLE DE L’ACTION DE LEUR EQUIPE MUNICIPALE, JUGEMENT LUI AUSSI PLUS NEGATIF POUR LES EXECUTIFS DE GAUCHE
4 – La popularité des maires apparaît étroitement imbriquée à celle de l’institution qu’il dirige, le taux de satisfaction des Français à l’égard du travail accompli par leur municipalité depuis 2020 (71%, + 8 points depuis 2018) suivant à peu près la même tendance favorable que le taux de satisfaction du maire. Et là aussi, c’est dans les villes de banlieues populaires (55%) et celles de plus de 100 000 habitants (59%) que l’appréciation de l’ensemble du travail de la municipalité est la plus faible. Ainsi, on retrouve un écart assez net dans l’appréciation de l’action des villes de droite (70%) et dans celle de gauche (64%)
5 – Les équipes municipales bénéficient globalement d’un regain de popularité associée à leur bonne gestion des deniers publics. Il faut dire que dans la situation de crise budgétaire nationale, les municipalités apparaissent plus que jamais comme une institution apte à une bonne gestion des deniers publics : 70% des Français pensent que leur municipalité utilise bien l’argent des impôts locaux, contre 57% en 2018. Cependant, la perception de l’utilisation des impôts locaux par les municipalités de gauche est là aussi plus négative (65%), en particulier pour les villes dirigées par le PCF (55%) ou Les Ecologistes (52%).
LES ENJEUX SUR LESQUELS SE JOUERA LE PROCHAIN SCRUTIN SEMBLENT PLUTOT EN PHASE AVEC LES THEMES HABITUELS DES FORCES POLITIQUES DE DROITE
6 – Les principales préoccupations des Français à l’égard de leur municipalité semblent plutôt aller dans le sens des forces politiques défendant l’ « ordre » dans les rues et dans les comptes : les domaines liées à la sécurité (64% pour la sécurité, 52% pour la lutte contre les incivilité), l’économie et les finances (54% pour les impôts locaux, 49% pour la gestion de la dette, 47% pour l’emploi) s’imposant en tête des domaines sur lesquels ils souhaitent que leur municipalité agissent. Certes, l’offre de santé truste désormais le haut du classement (69%) mais elle est moins typée politiquement et reste très périphérique pour une commune.
6 – L’analyse des principales préoccupations des Français en fonction de leur vote aux dernières élections législatives montre d’ailleurs que les thématiques transversales à tous les électorats sont plutôt des thèmes de force de la droite et du centre : la sécurité et les impôts s’imposant dans le TOP10 des attentes des 4 électorats (NFP, EPR, LR, RN), la lutte contre les incivilités, la gestion des finances, l’emploi et la propreté étant également des attentes communes aux électeurs de centre, de droite et d’extrême-droite.
Le point de vue de François Kraus de l’Ifop
Si le scrutin de 2020 avait été marqué par une grande stabilité des équilibres politiques sous fond d’abstention massive liée à la crise du covid-19, la prochaine bataille municipale sera sans doute plus serrée, notamment dans les grandes villes où les électeurs s’avèrent souvent plus sévères sur le bilan de mi-mandat de leurs maires mais aussi plus sensibles aux enjeux nationaux et aux logiques partisanes. Dans les métropoles, les sortants partent donc avec des chances de réélection moins solides que dans la myriade de villes petites ou moyennes où les sortants pourront jouer à fond sur la personnalisation de la campagne, la désidéologisation des programmes et la localisation des enjeux. Surreprésentés dans les communes où le mécontentent et le risque de « dégagisme » est le plus élevé (ville-centres, grandes agglomérations, banlieue populaire…), les maires de gauche partent donc pour l’heure avec une assise moins confortable que leurs concurrents de droite et du centre d’autant plus que les enjeux prioritaires en cette fin de mandat sont plutôt des thématiques favorables aux partis situés à droite de l’échiquier politique (sécurité, finances). Les élus de droite et du centre auraient toutefois tort de se gargariser à la vue d’une étude qui montre la fragilité des maires de gauche – notamment ceux qui achèvent leur premier mandat – car ils ne doivent pas oublier que la sociologie électorale des villes-centres des métropoles leur est globalement défavorable et qu’une « nationalisation du scrutin » leur serait préjudiciable si, d’ici-là, la couleur du gouvernement est toujours la même que celle de leurs candidats.
François Kraus, directeur du pôle « Politique/Actualités »