L’accueil des élèves en situation de handicap est un des sujets clés de cette rentrée scolaire. Pour le collectif d’associations « ma place c’est en classe », l’Ifop a réalisé une enquête en ligne auprès de 601 enseignants de la maternelle au lycée.
I. Bien que perçue comme fondamentale, l’école inclusive soulève de fortes appréhensions
A. Le caractère fondamental de l’école inclusive fait consensus
- L’ensemble du corps enseignant s’accorde à dire que l’école inclusive constitue une démarche à accompagner davantage (92%), considérant pour la plupart d’entre eux qu’il s’agit à la fois d’un droit (90%), d’une nécessité (74%) pour les élèves concernés, mais aussi une obligation professionnelle pour les enseignants et le système scolaire dans sa globalité (83%)
- Dans les faits d’ailleurs, 96% d’entre eux ont déjà accueilli des élèves en situation de handicap ou ayant des troubles « dys ».
B. Des a priori forts sur la capacité du système scolaire et de l’enseignant à être en mesure de scolariser les élèves en situation de handicap
Les sentiments des enseignants à l’égard de l’école inclusive sont très variés mais restent principalement empreints de fortes appréhensions.
- Appréhensions tout d’abord à l’égard de la capacité de l’école à faire preuve d’inclusivité. En effet, invités à décrire spontanément ce qu’est l’école inclusive à leurs yeux, les enseignants évoquent avant tout les difficultés qu’ils perçoivent et le manque de moyens disponibles.
- Appréhensions à titre personnel également, tous s’accordant à dire que c’est une source de travail supplémentaire (95%), et 8 sur 10 d’entre eux que c’est une source de tracas (81%) et une contrainte (80%)….
- … seul un quart d’entre eux déclare avoir bénéficié de formations ayant vocation à les aider à accueillir et à accompagner les élèves en situation de handicap.
II. La scolarisation dans un établissement ouvert à tous les enfants est plus ou moins soutenue par les enseignants en fonction du trouble concerné et de l’expérience passée du répondant
A.Les constats et souhaits à l’égard de la scolarisation des élèves sont très hétérogènes selon le handicap concerné
La scolarisation des élèves présentant un handicap moteur ou sensoriel est largement souhaitée :
- En effet, la quasi-totalité des enseignants se disent favorables à la scolarisation des élèves ayant un handicap physique au sein d’établissements ouverts à tous (comme le fait pour un élève d’être en fauteuil roulant par exemple, 95%). Pour autant, seuls 60% des enseignants estiment qu’ils sont « bien insérés » aujourd’hui.
- La scolarisation des enfants présentant des handicaps liés à la perte d’un sens comme la surdité et la cécité est aussi très largement souhaitée (respectivement 76% et 73%), mais reste, elle, très peu reconnue dans les établissements (respectivement 36% et 27% estimant que ces élèves sont bien insérés).
Les enseignants questionnent davantage la scolarisation des élèves avec troubles psychiques, des troubles autistiques ou une déficience intellectuelle. - Seule une courte majorité juge leur scolarisation souhaitable au sein d’établissements scolaires ouverts à tous : 58% pour les enfants autistes, 58% pour ceux des déficiences intellectuelles comme la trisomie 21 et 44% pour ceux avec troubles psychiques.
B. Le degré d’insertion perçu et souhaitable d’un handicap spécifique varie en fonction de l’expérience de l’enseignant et de sa formation
1. Le rôle de l’expérience d’accueil du handicap
Les enseignants qui ont eu l’occasion d’accueillir un enfant en situation de handicap au cours de leur carrière ont tendance à considérer plus positivement l’insertion de cette catégorie d’élèves.
- L’observation d’une bonne insertion peut aller du simple au double selon l’expérience du répondant : par exemple, les enseignants ayant déjà accueilli des enfants aveugles sont 59% à estimer qu’ils sont bien insérés (VS 27% pour l’ensemble des interviewés).
- Ce lien est présent pour l’ensemble des troubles présentés, (à l’exception des troubles « dys ») et cela vaut également pour l’insertion d’enfants ayant des déficiences intellectuelles comme la trisomie 21 – les professeurs avec expérience étant 34% à les trouver bien insérés (VS 19% selon l’ensemble).
A noter que ce lien est toutefois moins systématique quand est abordé l’aspect souhaitable ou non de cette scolarisation, à l’exception des enseignants ayant accueilli des élèves sourds / aveugles / avec déficience intellectuelle comme la trisomie 21 (67% vs 58% pour l’ensemble des interviewés).
2. Le rôle de la formation
D’autre part, les enseignants ayant bénéficié de formations (26% de l’échantillon) perçoivent davantage une bonne insertion (des écarts allant jusqu’à 12 points), notamment au sujet d’enfants ayant des handicaps physiques.
- Parmi les écarts les plus marquants figure le cas d’enfants en fauteuil roulant : ils sont vus comme bien insérés par 73% des professeurs formés, contre 54% des non formés.
- Les enfants avec des troubles sensoriels sont également perçus comme mieux insérés par les enseignants ayant eu une formation : pour eux, les enfants sourds sont bien insérés à 46% (VS 32% en l’absence de formation) et les enfants aveugles le sont à 37% (VS 24% hors formation).
Les enseignants formés soutiennent également plus volontiers l’insertion des différents types de handicap au sein d’établissements ouverts à tous, et notamment s’agissant du trouble autistique : 68% des interviewés formés sont favorables à leur insertion, contre 55% des non formés.
III. L’école inclusive peut-être bien accueillie si elle s’accompagne de moyens à la hauteur de ses ambitions
A.L’école inclusive, au-delà des appréhensions qu’elle soulève, est également perçue comme source d’enrichissement
- Environ 8 enseignants sur 10 considèrent que l’école inclusive est une richesse (78%), une source d’enrichissement personnel (80%) comme professionnel (75%).
- D’ailleurs, 68% des enseignants ayant déjà accueilli un élève en situation de handicap jugent que cela a eu un impact positif sur leur vie professionnelle (et notamment ceux qui y ont été formé, (82%).
B. Mais cette richesse est conditionnée à l’obtention de moyens supplémentaires…
Corolaire du manque de moyens évoqué spontanément pour décrire l’école inclusive, le besoin de support, humain notamment, est indiscutable :
- Parmi les trois investissements prioritaires cités en premier par les enseignants, on trouve le recrutement d’aides humaines supplémentaire (AESH), la baisse du nombre d’élèves par classe ainsi que des formations à la problématique d’inclusion.
- Les interviewés en appellent également au soutien des parents d’élèves, 92% d’entre eux jugeant qu’ils sont des partenaires indispensables.
C.… pour que l’école ouverte à tous puisse être en mesure de prendre en compte les besoins et les capacités de chacun
Pour être un succès, l’école inclusive doit pouvoir s’adapter à tous les élèves.
- Le fait que des évaluations soient pensées pour être davantage accessibles pour un élève ayant un trouble particulier suscite une large adhésion au sein des enseignants interrogés 79% y sont favorables.
- En revanche, il convient d’observer que l’idée d’une orientation spécifique / correspondant aux aptitudes et besoin de jeunes en situation de handicap est moins consensuelle : 41% des interviewés pensent plutôt que toutes les filières professionnelles devraient être considérées et accessibles. L’orientation en filière compatibles avec le handicap est plus prégnante lorsque le niveau d’enseignement est élevé et donc proche des échéances majeures d’orientation (68% des professeurs de lycée y sont favorables).