À l’aube de la rentrée universitaire de septembre 2024, COP1, acteur majeur de la lutte contre la précarité étudiante, dévoile la deuxième édition de son baromètre annuel réalisé avec l’IFOP sur la situation des étudiants en France. Cette étude, dont la première édition avait été publiée en septembre 2023, vise à établir un diagnostic fin et précis de la précarité étudiante sous ses multiples facettes : insécurité alimentaire, difficultés financières, problèmes de santé mentale et précarité menstruelle. Dans un contexte économique toujours marqué par les défis post-pandémiques et une inflation persistante, ce baromètre permet non seulement d’évaluer l’évolution de la situation des étudiants sur une année, mais aussi de mieux calibrer les actions de COP1. En offrant un éclairage détaillé sur les réalités quotidiennes vécues par les jeunes en formation, cette enquête souligne l’importance de mesures ciblées et adaptées pour lutter efficacement contre la précarité au sein de cette population particulièrement vulnérable.
En voici les principaux enseignements :
La précarité alimentaire demeure bien ancrée dans la population étudiante en 2024
Les résultats de la nouvelle édition du baromètre témoignent d’une situation de précarité alimentaire sévèrement ancrée dans la population étudiante. En 2024, plus d’un tiers des jeunes interrogés déclare sauter souvent ou de temps en temps un repas par manque d’argent (36%, une proportion stable par rapport à 2023). C’est 7 points de plus que la moyenne nationale (29% en 2023) : un écart significatif qui témoigne d’une problématique spécifique au sein de cette population. Ce phénomène concerne tout particulièrement les étudiants qui travaillent en parallèle de leurs études (47%) et ceux en situation de précarité accompagnés par l’association COP1 (60%). Bien que les restaurants universitaires offrent une solution potentielle à cette précarité alimentaire, seuls 54% des étudiants les fréquentent régulièrement. Plusieurs obstacles expliquent cette sous-utilisation : l’éloignement géographique (23%), les files d’attente excessives (17%), et des tarifs jugés trop élevés (13%). La fin de la généralisation des repas à 1€, mesure mise en place pendant la crise du Covid-19 et désormais réservée aux boursiers, a peut-être accentué ces difficultés. Face aux problèmes
pour boucler la fin du mois, les étudiants mettent en place des stratégies plurielles : cela peut passer par une adaptation de leurs menus avec des recettes moins coûteuses (pour 58%), une réduction de portions et de quantité (43%), ou même un recours à l’aide alimentaire (pour 18%). Signe d’une légère embellie, la proportion d’étudiants indiquant limiter ou renoncer à des achats alimentaires a légèrement reculé entre 2023 et 2024, même si elle se maintient à un niveau élevé (41% contre 49%).
Une persistance des problèmes de santé mentale dans la population étudiante malgré une légère embellie du moral des étudiants
La crise du Covid a eu impact très lourd sur la population étudiante, dans la mesure où certains jeunes ont pu être isolés à des moments clés de leur intégration au sein du cursus universitaire (ex : en première année), ou ont dû revoir leur choix d’orientation. Dans le même temps, la hausse des prix a poussé ces jeunes à faire des concessions sur des activités généralement bénéfiques pour le bien-être mental à cet âge : 1 étudiant sur 2 a été contraint de réduire ses dépenses de divertissements et de sorties (autant d’occasions propices à la socialisation et aux rencontres). La détresse psychologique demeure ainsi plus importante chez les étudiants par rapport aux Français de manière générale : 41% déclarent qu’il leur arrive fréquemment de se sentir seuls, soit plus du double de la moyenne nationale (19% en 2021). A cet égard, la question de la solitude étudiante apparait comme un angle mort des politiques publiques. Loin de l’image d’Epinal d’une solitude liée au grand âge, les données de l’enquête montrent qu’il s’agit au contraire plutôt d’un problème qui concerne les jeunes.
De surcroît, les sentiments négatifs dominent parmi les étudiants : 64% indiquent ressentir des émotions négatives contre 36% des émotions positives. On notera en revanche un léger recul des émotions négatives exprimées par les étudiants : – 6 points par rapport à l’enquête de 2023. Le recours à un psychologue au cours de l’année écoulée concerne près d’un quart des étudiants (23%). Parmi eux, 37% ont consulté par le biais du dispositif « santé psy étudiants », soit près de 9% du total des étudiants qui en auraient bénéficié. Le manque de notoriété du dispositif constitue la raison première d’un non-recours (55% n’avaient pas connaissance de cette initiative). De surcroit, on notera que la proportion d’étudiants se déclarant suffisamment informés à l’égard des aides psychologiques recule par rapport à 2024 avec seulement 45% qui se déclarent bien informés (contre 51% en 2024). Outre l’élargissement du dispositif à plus de professionnels, un travail de communication pourrait être réalisé pour mieux faire connaitre le dispositif.
La précarité menstruelle persiste
Cette enquête met en lumière des problématiques spécifiques auxquelles la population étudiante féminine est confrontée. Le renoncement aux soins gynécologiques est particulièrement préoccupant : 41% des étudiantes déclarent avoir déjà renoncé à une consultation. Ce phénomène s’accentue chez les étudiantes en situation de précarité, notamment les bénéficiaires des services de COP1, où le taux atteint 54%. Les difficultés d’accès aux soins s’expliquent probablement en partie par des raisons financières, mais également par la difficulté à obtenir un rendez-vous ou le manque de professionnels à proximité du domicile. Par ailleurs, l’enquête révèle que la précarité hygiénique reste un problème majeur. Un quart des étudiantes rapportent manquer parfois de protections hygiéniques, un chiffre stable par rapport à 2024 et supérieur à celui de l’ensemble de la population féminine française (16%). Les étudiantes bénéficiaires des services de COP1 sont particulièrement touchées, avec 37% d’entre elles concernées. La stagnation de ces chiffres suggère que les politiques de mise à disposition gratuite de protections hygiéniques n’ont pas encore eu l’impact escompté. Cette situation souligne l’urgence de repenser et d’intensifier les efforts pour lutter efficacement contre la précarité menstruelle chez les étudiantes.
Le logement étudiant : un défi persistant aux multiples facettes
L’accès et le maintien dans un logement représentent un enjeu majeur pour la population étudiante, révélant des disparités significatives. La quête d’un toit s’avère semée d’embûches pour 50% des étudiants, dont 18% font état de difficultés “très importantes”. Cette problématique s’accentue pour ceux cherchant à s’établir en solo, avec 25% d’entre eux confrontés à des obstacles conséquents. Au-delà de l’accès initial, la gestion financière du logement demeure un défi constant. Près d’un tiers des étudiants (30%) peinent à honorer leurs charges locatives dans les délais, un taux supérieur à la moyenne nationale.
La méconnaissance des aides : un frein majeur à l’accès aux droits des étudiants
L’enquête met en lumière un obstacle supplémentaire dans la lutte contre la précarité étudiante : la méconnaissance généralisée des aides disponibles. Cette lacune d’information entrave significativement l’accès aux droits pour de nombreux étudiants. Les chiffres sont éloquents : seulement 36% des étudiants se sentent bien informés sur les aides administratives, et à peine 29% sur les aides juridiques. Même dans des domaines aussi cruciaux que les aides financières, moins de la moitié des étudiants (47%) estiment avoir une information suffisante. Cette méconnaissance s’étend également comme nous l’avons vu au domaine de la santé, avec seulement 45% des étudiants se sentant bien informés sur les aides psychologiques, un chiffre en baisse par rapport à 2023.
Le point de vue de François Legrand : une rentrée 2024 sous tension pour les étudiants
Cette nouvelle édition du baromètre IFOP/COP1 dresse un tableau préoccupant de la situation étudiante en France. Malgré de légers progrès, la précarité reste omniprésente, touchant l’alimentation, le logement, la santé mentale et l’hygiène. Bien que ces problématiques soient connues des pouvoirs publics et que des dispositifs existent, notre étude révèle un paradoxe frappant : ces aides sont souvent méconnues et sous-utilisées. Ce constat souligne un problème crucial d’accès aux droits et d’informations. Face à ces défis, plusieurs pistes d’action émergent : améliorer la communication sur les aides existantes, simplifier les démarches d’accès, et réfléchir à une réforme plus profonde du système de soutien aux étudiants. L’idée d’un revenu universel étudiant mérite d’être sérieusement examinée pour lutter efficacement contre cette précarité multiforme.