Il y a un an, naissait une révolte sociale inédite qui allait bousculer l’agenda politique et médiatique et laisser des traces profondes dans le pays. Beaucoup a été dit et écrit sur la fracture que révélait la crise des « gilets jaunes » entre grandes métropoles et territoires périphériques. Nombre d’analyses sociologiques ont notamment montré que les manifestants étaient, au moins lors des « premiers actes », en grande partie issus de cette France des villes moyennes et des petites villes. Dans cette France, une catégorie de la population est néanmoins restée silencieuse et n’a pas pris part au mouvement de manière massive : les jeunes des territoires, qui se heurtent pourtant à des obstacles propres à leur situations géographiques.
Ces obstacles, on les retrouve dans leur rapport à l’avenir, dans les ressources dont ils peuvent bénéficier pour s’orienter et dans la façon dont ils se projettent et construisent ce que sera le début du reste de leur vie.
On notera d’ailleurs que, si la jeunesse de la « France périphérique »[[Expression forgée par le géographe Christophe Guilluy dans son ouvrage Fractures françaises, François Bourin éditeur, 2010]] n’a pas pris part au mouvement des « gilets jaunes », principalement composé d’actifs, une mobilisation lycéenne a pourtant eu lieu dans le sillage de ce mouvement. Contrairement aux grèves lycéennes habituelles, ce ne sont pas les lycées de centre-ville mais les établissements situés dans les villes moyennes et même, fait rarissime, les lycées agricoles qui ont été à la pointe de la contestation contre la réforme du lycée. Les élèves de ces établissements ont donné de la voix. À l’instar des gilets jaunes, sans doute peut-on y avoir l’expression du mal-être d’une fraction de la jeunesse se sentant reléguée en seconde division.
Afin d’objectiver une situation encore peu connue, Chemins d’avenirs, la Fondation Jean-Jaurès et l’Ifop ont interrogé les jeunes Français de 17 à 23 ans sur leurs choix d’orientation et leur rapport à l’avenir. Une enquête qui montre que les origines géographiques et sociales continuent d’influer fortement sur la projection de ces jeunes vers l’avenir, sur leur degré d’ambition et sur l’autocensure qu’ils développent, de manière plus ou moins consciente, en fonction de leur milieu d’origine et de leur lieu de résidence.
Outre une objectivation chiffrée de phénomènes récemment identifiés[[Salomé Berlioux et Erkki Maillard, Les Invisibles de la République, Paris, Robert Laffont, 2019.]], cette enquête donne aussi à voir unedonnée nouvelle et particulièrement frappante dans le clivage entre jeunes des villes et jeunes des champs : le rapport à l’international.