Arielle Romenteau, Responsable de projets chez ACTED, ONG française indépendante soutenant des projets de réhabilitation et accompagnant les dynamiques de développement, revient pour nous sur les résultats d’une étude sur les jeunes et le climat, et l’importance de l’information et la mobilisation face à l’urgence climatique.
1) Pouvez-vous vous présenter et nous indiquer les raisons et le contexte dans lequel vous avez souhaité en savoir plus sur l’information et la mobilisation des jeunes face à l’urgence climatique ?
Je travaille pour l’organisation ACTED, qui est une ONG française indépendante, privée et à but non lucratif fondée en 1993, basée à Paris et présente dans 37 pays. En 2019, ACTED a mis en place 419 projets, intervenant auprès de 20,7 millions de personnes, répondant à des situations d’urgence, soutenant des projets de réhabilitation et accompagnant les dynamiques de développement.
Notre vision est celle d’un monde 3 Zéro: Zéro Exclusion, Zéro Carbone et Zéro Pauvreté, et c’est dans ce cadre que nous nous sommes impliqués dans des initiatives en faveur du climat comme le projet 1Planet4All. Ce projet, financé par l’Union Européenne et actif dans 12 pays de l’UE, vise à sensibiliser, équiper et mobiliser les jeunes contre le changement climatique. ACTED met ainsi en œuvre en France des activités de communication, d’évènementiel et d’accompagnement, pour atteindre plus d’un million de jeunes – en ciblant les 15-35 ans, de divers profils (étudiants, jeunes actifs, activistes, etc.). C’est également une occasion importante pour nous de faire le lien avec nos actions internationales et les situations dans les pays du Sud, pour mieux souligner l’impact global du changement climatique, ainsi que le besoin d’agir collectivement pour le combattre et trouver des solutions communes.
C’est dans ce contexte que nous avons voulu en savoir plus sur les connaissances et l’engagement des jeunes français sur le climat, ainsi que sur les moyens les plus efficaces de communiquer avec eux à propos de l’urgence climatique. Le sondage 1Planet4All, réalisé avec Ifop et publié en Octobre 2020, nous a donné l’opportunité d’obtenir des informations précieuses sur ces différents aspects, que nous pourrons intégrer dans les activités de notre projet, et qui pourront aussi bénéficier à d’autres représentants des médias et de la société civile œuvrant sur ces sujets.
2) 59% des interviewés estiment que les risques liés au changement climatique sont les plus préoccupants, et 83% d’entre eux estiment que les conséquences de ce changement climatique ont déjà commencé à se faire sentir. On note cependant que les jeunes s’estiment plutôt mal informés à l’égard du changement climatique. Comment peut-on expliquer ce paradoxe entre une inquiétude forte et un niveau d’information jugé faible ?
Tout d’abord, nous pouvons effectivement déjà saluer le fait qu’il existe une conscience forte des risques climatiques de la part des jeunes. Cela montre que l’information sur le caractère réel et immédiat du changement climatique est bien assimilée, ce qui est encourageant, au même titre que le haut niveau d’engagement exprimé par les sondés.
Mais le sondage révèle néanmoins des lacunes et incompréhensions sur certains aspects spécifiques, confortant la perception par les jeunes eux-mêmes d’un niveau d’information perfectible.
En particulier, les résultats illustrent une connaissance moins approfondie des causes du changement climatique, par exemple le lien avec notre consommation ou notre régime alimentaire, ou encore l’impression qu’il s’agit d’un phénomène naturel. De même, certaines de ses conséquences paraissent moins maîtrisées par les jeunes, notamment l’impact sur les pays du Sud et sur des enjeux comme l’agriculture, les zones d’habitation humaines, ou la biodiversité.
Plus encore, les jeunes sondés déplorent un manque criant d’informations sur les façons d’agir, notamment sur ce qu’ils peuvent mettre en œuvre à leur propre échelle. Cela explique également l’inaction d’un tiers des jeunes se décrivant comme non engagés pour le climat – non par manque d’intérêt ou par scepticisme, mais en l’absence de pistes d’actions et de solutions concrètes. On peut d’ailleurs établir un lien avec leur haut niveau d’inquiétude : manquer d’éléments concrets pour s’attaquer à un problème si sérieux ne peut qu’être anxiogène !
Pour dépasser ce paradoxe, il existe un réel besoin de communiquer davantage auprès des jeunes sur les dimensions les moins connues ou comprises du changement climatique, et de leur montrer des solutions et initiatives concrètes – afin de résoudre d’éventuels blocages et les aider à passer à l’action. C’est une mission d’importance pour la société civile et les acteurs-relais auprès des jeunes, tels que les enseignants et éducateurs, qui devra aussi s’appuyer sur des partenariats avec les médias et un investissement des canaux et formats les plus propices aux échanges avec ce public (par exemple les réseaux sociaux ciblés selon différentes tranches d’âge, et les vidéos informatives courtes). Il s’agit non seulement de s’assurer que l’information parvienne aux jeunes, mais aussi de les conforter dans l’idée que leur voix compte sur cet enjeu qui les préoccupe tant, et de les encourager à s’approprier ces sujets.
Dans le cadre du projet 1Planet4All, nous prendrons en compte ces enseignements à plusieurs titres. Médiatiser les initiatives de jeunes soutenues par ACTED, et communiquer à la fois sur des aspects d’ensemble et des solutions à petite échelle dans nos prochaines campagnes de communication, nous permettra de mieux illustrer différentes façons d’agir et de partager des source d’inspiration pour les jeunes. Par ailleurs, la diffusion d’informations fiables et accessibles via notre future Application numérique, et l’organisation d’évènements ciblant différents jeunes publics (étudiants, jeunes festivaliers…) contribuera à sensibiliser une audience plus large à des enjeux climatiques moins connus ou compris.
3) Les messages des campagnes ACTED séduisent, mais la pédagogie semble dans le même temps indispensable pour qu’ils soient bien compris puis relayés par cette cible, notamment s’agissant de l’enjeux des pays du Sud. Quel sera la suite pour ACTED afin de mobiliser encore plus de jeunes ?
Parmi les premiers messages que nous avons testés, nous avons effectivement noté que ceux portant sur les liens avec les pays des Sud et l’importance d’agir avec eux pour le climat dans une dynamique collective et solidaire, peinaient davantage à convaincre les jeunes sondés.
Afin de mieux mobiliser sur ces thèmes, notre prochaine campagne de communication nous donnera l’opportunité de mettre en lumière l’importance de la solidarité internationale et de montrer que le changement climatique est un défi commun à relever partout sur la planète – notamment face à l’augmentation d’évènement climatiques extrêmes, qui affectent de nombreux pays au Nord comme au Sud.
Nous nous ferons ainsi le relai de récits et de matériel informatif – tant dans notre communication en ligne que dans le développement de partenariats avec des universités et d’autres structures éducatives – permettant de mieux comprendre l’impact global du changement climatique, tout en gardant une approche positive évoquant aussi les solutions mises en place.
Cela passera également par une mise en valeur des actions climatiques menées par les communautés locales dans les pays du Sud, qui peuvent se révéler une belle source d’inspiration pour les jeunes d’ici.
Enfin, nous nous appuierons sur les initiatives menées par ACTED dans ses zones d’intervention, en organisant des visites d’étudiants en journalisme pour découvrir certains de nos projets sur le terrain. Ce type d’initiatives permettra à la fois de sensibiliser ces jeunes en leur montrant l’impact du changement climatique et les actions mises en œuvre dans ces pays, et de les encourager à relayer ce qu’ils auront vu, tout en inspirant leur future pratique professionnelle. C’est en s’appuyant sur les jeunes eux-mêmes, et leurs grandes capacités d’engagement et de solidarité, que nous arriverons ensemble à avancer dans ce combat en faveur du climat.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter les actualités du projet 1Planet4All sur Facebook, Twitter et Instagram, et à les contacter pour toute question sur 1planet4all@acted.org.
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