L’année 1983 est restée dans la mémoire historique comme la date du tournant de la rigueur quand la gauche a refermé la parenthèse ouverte en 1981 et a accepté l’économie de marché et le capitalisme. Mais cette année constitue également un moment charnière sur un autre plan, au moins aussi important. C’est en effet au cours de cette année-là que des mouvements de fond, initiés précédemment, sont parvenus à maturité et sont apparus au grand jour. Par un phénomène d’accumulation d’événements de nature très différente, c’est au cours de cette année 1983 que la population issue de l’immigration maghrébine a véritablement accédé à la visibilité. Alors que cette population résidait en France depuis des années sans avoir acquis droit de cité, on allait assister à un surgissement brutal de ce groupe social dans le paysage et les représentations collectives. Qu’il s’agisse des longues grèves dans l’automobile, de la Marche des Beurs, de différents faits divers ou bien encore de films et de chansons, la France a subitement pris conscience cette année-là que cette population immigrée était relativement nombreuse, qu’elle avait fait souche (la « deuxième génération ») et qu’elle ne comptait pas ou plus « rentrer au pays » mais s’installer définitivement sur notre sol.
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