La Fondation Pour l’Enfance, a fait appel au pôle Opinion pour la seconde édition de son baromètre sur les violences éducatives ordinaires
Clémence Lisembard, Responsable des opérations chez Fondation pour l’Enfance, revient sur les conclusions essentielles de l’étude et souligne les observations les plus significatives de l’édition 2024 du baromètre.
Question 1 : Avec la notoriété croissante des violences éducatives ordinaires (VEO), comment expliquez-vous que malgré une meilleure connaissance des VEO, leur mise en œuvre reste largement répandue parmi les parents ?
En effet, notre étude souligne que près de 8 Français sur 10 pensent savoir ce que sont les violences éducatives ordinaires (79%, en hausse de 7 points par rapport à la précédente enquête de 2022). Les parents se sentent globalement mieux informés sur ce qui constitue ou non une VEO et sur les actions à mettre en place pour éviter les violences éducatives (+10 points par rapport à 2022).
À l’instar de la notoriété des VEO, la connaissance de la loi de 2019 interdisant les violences éducatives ordinaires a elle aussi progressé : 69% des Français en ont entendu parler (contre 63% en 2022).
Ce qui est surprenant c’est que cette connaissance accrue de la loi et des VEO n’influence visiblement pas positivement les comportements parentaux au quotidien. En effet, malgré cette meilleure information, la pratique des VEO au sein des familles reste stable. On observe même une tendance à la hausse pour certains comportements violents identifiés.
Le premier élément de réponse est qu’en France, les politiques de soutien à la parentalité répondent à une logique à dominante familialiste, en créant des dispositifs dont l’utilisation est laissée à la libre appréciation des parents. A cette logique s’oppose une autre, plus interventionniste, qui priorise la protection des enfants en incitant activement les parents à faire évoluer leurs connaissances et leurs comportements. C’est d’ailleurs ce que le baromètre montre : 60% des sondés pensent que la loi constitue une intrusion de l’État dans les affaires privées, une opinion en hausse de 9 points par rapport à 2022.
Aussi, on constate que l’éducation non-violente est parfois confondue avec une éducation laxiste, permissive, évitant toute frustration. Pourtant, l’éducation non-violente ne remet pas en question l’importance des règles, mais la violence avec laquelle elles sont imposées. Une parentalité est bénéfique quand le parent assume sa responsabilité de parent, transmet des valeurs, définit des règles et enseigne à l’enfant les compétences nécessaires pour les respecter. Et ce, sans le violenter, ni psychologiquement, ni physiquement.
Question 2 : Les violences éducatives ordinaires semblent admises par une partie des parents (un tiers des parents) dans le cadre des pratiques sportives. Selon vous, quelles sont les raisons qui poussent certains parents à accepter ces comportements dans le sport ?
Ce que l’on note de très positif c’est que parmi les parents dont les enfants pratiquent un sport, quasiment tous discutent avec eux des entraînements (90%). Pour autant, environ 1/3 des parents semblent cautionner les violences : par exemple, près de la moitié des parents interrogés jugent qu’il est difficile voire impossible d’entraîner un enfant sans crier, 34% sans le punir et 26% sans le gifler ou lui donner une fessée. Pire, 33% pensent qu’un enfant ne peut atteindre un haut niveau sans le soutien de son entraineur, même si cela implique des violences psychologiques, verbales voir physiques. Cela est d’autant plus surprenant que le rôle éducatif du sport est reconnu : plus de 80% des familles confient régulièrement leurs enfants à des clubs sportifs.
Cela prouve que cette violence, souvent banalisée ou même valorisée, s’est profondément enracinée dans le milieu sportif. Elle affecte la santé mentale et physique de millions d’enfants, qui apprennent à considérer la douleur et la souffrance comme des composantes inévitables et indispensables de leur entraînement. La performance dans le sport ne doit jamais justifier de pratiques violentes.
Question 3 : À la lumière des résultats de l’étude, quelles seraient les actions les plus efficaces pour convertir cette prise de conscience des violences éducatives ordinaires en un changement réel et durable des pratiques parentales ?
Ce qui ressort du baromètre c’est que pour mettre en œuvre une éducation sans violence, les initiatives favorisant l’échange et la discussion sont de plus en plus plébiscitées par les parents, que ce soit avec des professionnels (31% aimeraient bénéficier d’ateliers de soutien à la parentalité, +4 points) ou des parents (28% souhaiteraient des groupes de parole avec d’autres parents, +4 points). La moitié des parents demande également des astuces et des conseils pratiques pour mieux gérer les situations « à risque », et près d’1/3 souhaite la mise en place d’enseignements sur les conséquences des violences éducatives sur le cerveau de l’enfant (31%).
En ce sens, il nous semble urgent d’inscrire la lutte contre les VEO dans un grand plan d’information et de sensibilisation des parents et de tous les professionnels de l’enfance. De façon générale, la Fondation appelle à un changement de regard sur l’enfant afin que celui-ci reprenne sa juste place dans notre société et que l’on ne considère plus comme normal l’usage de violences à visée éducative.
Pour cela, la Fondation préconise 4 approches :
- Encourager les acteurs de soutien à la parentalité à aller au-devant des parents pour permettre la prise en charge d’un plus grand nombre de familles en difficulté.
- Financer des programmes de soutien à la parentalité qui ont été évalués méthodiquement et qui ont fait leurs preuves.
- Produire des recommandations claires et lisibles pour les familles, pour les éclairer sur la question des repères et limites dans l’éducation.
- En ce qui concerne les VEO intervenant dans le cadre du sport, se saisir du contexte des Jeux Olympiques pour s’engager dans la lutte contre ces dérives qui entachent l’influence positive du sport sur les enfants.
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