Opinions et perceptions des Français à l’égard des territoires
Dans le cadre de la campagne présidentielle, Vae Solis a souhaité s’associer à l’IFOP pour comprendre les ressorts profonds de l’électorat en analysant six thèmes structurants la société française. Cette troisième enquête d’opinion porte sur un sujet qui est apparu lors du quinquennat : les territoires. Alors que ce sujet a été au cœur du mouvement des gilets jaunes, et que ses enjeux ont été réactivés avec la crise du Covid 19, il nous a semblé opportun de réaliser une enquête destinée à dresser un état des lieux des opinions et attentes des Français sur ce sujet.
Les Français portent des jugements ambivalents sur leur territoire
Premier constat de cette enquête, les représentations des Français à l’égard du territoire où ils vivent sont ambivalentes. L’attachement des sondés à leur lieu de vie apparait évident avec ¾ des Français qui estiment qu’il est agréable à vivre (73%). Le territoire est aussi jugé attractif (64%) et dynamique (62%) par près des deux tiers des personnes interrogées. Pourtant si ces jugements positifs sont toujours largement partagés, près d’un sondé sur deux adhère aussi à des qualificatifs plus négatifs : qui appartient à la France périphérique (55%), en déclin (49%), où les lois de la République ne s’appliquent pas (45%) et abandonné (42%). Autant de qualificatifs qui sont davantage cités par les 50-64 ans, les ouvriers et les sympathisants du RN.
L’analyse des résultats en fonction de la catégorie d’agglomération du répondant laisse à penser qu’il y a eu homogénéisation des ressentis avec des différences plus ténues que par le passé. Le sentiment de vivre dans un territoire attractif est ainsi majoritairement partagé quelque soit la catégorie d’agglomération de la personne interrogée avec un écart qui n’est que de 8 points entre l’agglomération parisienne (68%) et les communes rurales (60%). Même constat quant au caractère dynamique du territoire, il est partagé majoritairement par les habitants des communes rurales (57%), soit une proportion inférieure de seulement 6 et 7 points à celles mesurées auprès des habitants des communes urbaines de province (64% et 63%). Seul le sentiment de vivre dans un territoire abandonné clive fortement en fonction de la catégorie d’agglomération avec un écart de 22 points entre les habitants de l’agglomération parisienne (30%) et ceux des communes rurales (52%).
La France des campagnes est perçue comme le territoire ayant le plus besoin de l’attention des pouvoirs publics mais le mode de vie rural séduit de plus en plus
Les résultats de l’enquête montrent que c’est la France des campagnes qui est perçue comme le territoire qui devrait le plus bénéficier de l’attention et du soutien des pouvoirs publics (59%), devant la France des petites villes et des villes moyennes de province (53%) et des banlieues (41%) ou encore des Outre-Mer (19%). La France des métropoles – qui concentre pourtant objectivement un certain nombre de problèmes sociaux – n’est évoquée que par 12% des personnes interrogées.
Ce besoin d’attention portée aux zones rurales s’explique au moins en partie par une sensibilité très importante à la question de la désertification des services publics. La question du maintien des services publics est associée à l’expression « défense des territoires » par les Français (70%) et est aussi le sujet considéré comme prioritaire (73%), devant le soutien au développement économique (55%), la préservation de l’identité des territoires (30%) ou le développement des infrastructures de transport (17%). La mobilisation en faveur de nouvelles infrastructures, de la modernisation numérique ou encore du développement d’une politique de construction et de logement ne vient que dans les derniers choix des Français, entre 6%et 3%.
En revanche si l’on évoque la question des transports et la priorité qui doit être donnée par les pouvoirs publics , le développement du transport ferroviaire est une priorité pour 45%, le développement du transport automobile pour 34%, le développement de capacités de recharge pour véhicules électriques pour 16%.
Si les campagnes sont donc perçues comme un territoire nécessitant l’attention des pouvoirs publics, le mode de vie rural séduit de plus en plus. Travailler et vivre à la campagne est désormais perçu comme étant le mode de vie idéal par près d’un Français sur deux (46%, + 8 points par rapport à avant la crise), devant le fait de vivre à la campagne et travailler en ville (34%, – 9 points) ou vivre et travailler en ville (20%, + 1 point). Cet attrait renforcé pour la vie en milieu rural – attesté par les travaux de géographes – s’accompagne également d’une attente plus forte des citoyens en matière de décentralisation.
Une attente renforcée concernant le rôle des collectivités territoriales
Les résultats de l’enquête montrent qu’en dix ans, l’attente des citoyens à l’égard du rôle des collectivités territoriales s’est renforcée. 61% des Français estiment désormais que les collectivités territoriales n’ont pas suffisamment de pouvoir, une proportion en progression par rapport à 2012 (+ 9 points). Il est probable que la crise du Coronavirus ne soit pas étrangère à cette demande accrue. 83% des Français estiment en effet que les solutions locales initiées par les élus des collectivités territoriales doivent être réaffirmées, la crise du Covid 19 ayant montré leur utilité. Mais plus globalement, c’est l’attente à l’égard des solutions locales qui semble être réaffirmée avec une adhésion également marquée concernant la déconcentration accrue des services de l’Etat dans les territoires (78%). Cette attente à l’égard des solutions locales doit toutefois s’accompagner (aux yeux des sondés) d’une clarification concernant la répartition de compétences entrer l’Etat et les collectivités territoriales (89%).
Le « match des collectivités territoriales » se joue principalement entre les communes et les régions. Ces dernières sont perçues par les Français comme les plus à même de s’opposer à des politiques publiques nationales (52%), et à engager des actions de long terme (44%). La commune est en revanche perçue comme étant l’échelon qui améliore le plus la vie quotidienne (64%). Les départements ne sont jamais cités en premier.
Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France est perçue comme la candidate la plus à même de défendre les territoires
La hiérarchie des personnalités politiques jugées les plus à même de défendre les territoires n’épouse pas parfaitement celle mesurée dans les intentions de vote. C’est Valérie Pécresse – présidente de la région Ile-de-France – qui est perçue comme la personnalité politique la plus à même de défendre les territoires (40%), devant Marine Le Pen (39%) et Emmanuel Macron (37%). Jean Lassalle bénéficie d’une reconnaissance des citoyens dans ce domaine avec 30% des sondés qui le jugent à même de défendre les territoires, soit un niveau comparable à celui de Jean-Luc Mélenchon et supérieur à celui enregistré pour les autres candidats.