Evénement majeur à l’échelle de notre société, la crise sanitaire liée au Covid-19 n’a pas ébranlé le rapport des salariés à leur employeur. Alors que pendant le premier confinement plus d’un tiers des salariés ont basculé en télétravail et à peu près la même proportion en chômage partiel selon différentes enquêtes de l’Ifop, la relation des Français à leur entreprise ou à l’administration/structure qui les emploie est restée assez stable. 76% des salariés déclarent ainsi qu’ils lui sont liés ni plus ni moins qu’avant. Cette crise a néanmoins modifié la relation salarié-employeur pour un quart des sondés. 12% se sentent plus liés qu’avant (cette proportion montant même à 17% parmi les salariés de moins de 40 ans) et 12% déclarant que le lien s’est distendu.
Parmi ceux qui éprouvent un renforcement de ce lien, on évoque d’abord (46%) l’attitude de l’entreprise face à l’épreuve mais aussi, élément important dans un contexte de hausse significative du chômage, plus prosaïquement le fait que l’on ait pu conserver son emploi (44%)… Les facteurs ayant abouti à une fragilisation du lien ont trait d’abord au fait que l’employeur ne se soit pas suffisamment mobilisé ou pas bien comporté pendant la crise (49%). Mais on évoque également le fait de se sentir abandonné et livré à soi-même (sentiment sans doute accentué parmi les salariés en chômage partiel ou en télétravail) ou les nouvelles conditions de travail provoquées par l’épidémie, et qui ne conviendraient pas à tous les salariés.
De la même manière, si un statu quo semble prévaloir concernant le sens et l’intérêt perçus de son travail, 61% des salariés indiquant que la crise actuelle ne confère ni plus ni moins d’intérêt à leur travail, des effets se font néanmoins sentir dans toute une partie du salariat. Mais là encore, ces effets sont contrastés. 20% des sondés trouvent davantage de sens et d’intérêt à leur travail dans cette période de crise. Ce ressenti est nettement plus présent parmi les moins de 40 ans (27% contre 15% seulement auprès des 40 ans et plus), qui ont peut-être davantage apprécié que certaines routines, procédures hiérarchiques et façon de travailler aient été modifiés voire bousculés à l’occasion de cette crise sanitaire. Mais à l’inverse, une proportion identique de salariés (19%) trouvent aujourd’hui moins de sens et d’intérêt dans leur travail. C’est le cas notamment pour les personnes travaillant dans le secteur du commerce (30% éprouvant moins d’intérêt dans leur travail), univers durement éprouvé par la crise et où le contact avec les clients, qui fait souvent l’intérêt de ces métiers, a été souvent interrompu du fait des fermetures de magasins.
Interrogés sur leurs relations avec leurs collègues ou leur hiérarchie, les salariés dans leur ensemble ne constatent pas d’évolution majeure (70% estiment ainsi que les relations avec leur hiérarchie n’a pas changé ce qui est aussi le cas de 68% de celles entretenues avec les collègues). Ces résultats nous confortent dans l’idée que l’épidémie de Covid-19 et ses conséquences économiques et sociales n’ont pas bouleversé en profondeur la cohésion sociale et le climat au sein des collectifs de travail.
Pour autant, cette crise n’est pas sans effet. Elle génère ainsi une forte incertitude quant à l’avenir pour toute une partie du monde du travail. Actuellement, seuls 53% des salariés français déclarent qu’ils sont capables de se projeter sur un plan professionnel. Près d’un sur deux se situent donc dans l’expectative et le brouillard. C’est particulièrement vrai dans les milieux populaires (54% des employés et ouvriers ne parviennent pas à se projeter) mais le doute ou l’incertitude sont également partagés par 40% des professions intermédiaires et 41% des cadres et professions intellectuelles.
Ainsi, si les collectifs de travail ont globalement tenu le choc du premier et du second confinements en termes de cohésion interne, la crise du Covid a fait naître (ou a renforcé) une grande incertitude quant à l’avenir. Cette incapacité à se projeter, partagée par près d’un salarié sur deux, risque de nuire à la sérénité des équipes de travail dans les mois qui viennent et appellera sans doute des mesures de réassurance.