A l’occasion du franchissement de la barre symbolique des 50 000 $ par le Bitcoin, l’Ifop a réalisé pour le site d’information spécialisé en crypto-monnaies Thecointribune une enquête d’envergure sur les ressorts de l’engouement pour ces actifs numériques qui permet, via un échantillon de taille importante (3 000 personnes), de mesurer non seulement les représentations associées à ces monnaies virtuelles mais aussi de dresser pour la première fois le portrait-robot des détenteurs de cryptos. Réalisée juste quelques jours avant le passage de cette barre des 50 000 $, cette étude montre que la « bitcoinmania » s’inscrit avant tout dans une logique spéculative – détachée d’un usage en tant que véritable de monnaie d’échange – qui repose sur les franges les plus « gamblers » de la population : plutôt des hommes, jeunes, aux revenus modestes et amateurs de jeux d’argent et de hasard.
Une crypto-monnaie très largement connue des Français mais de manière encore floue
1 – Le Bitcoin est de loin la crypto-monnaie la plus connue des Français, avec un taux de notoriété de 83%, soit un score très largement supérieur à celui observé pour des crypto-monnaies concurrentes comme Ethereum (11%) Dogecoin (10%) ou XRP (7%) qui, elles, restent encore confidentielles.
2 – L’analyse des idées reçues associées au Bitcoin (principale monnaie virtuelle) confirme ce flou, notamment à propos de l’anonymat qu’il est supposée garantir. En effet, si le caractère indépendant du réseau Bitcoin est plutôt bien identifié par les Français (42%), ces derniers sont nombreux à se tromper sur l’anonymat : seuls 10% des Français savent qu’il ne garantit pas un anonymat complet à ses utilisateurs (contre 33% qui y croient).
Une monnaie de plus en plus perçue comme un placement rentable qui attire désormais plus que les devises traditionnelles
3 – L’idée qu’il s’agit d’un placement rentable devient majoritaire dans les esprits (à 51%, +9 pts par rapport à 2019) alors que le nombre de Français qui n’y voient qu’un phénomène de mode régresse de manière significative (75%, -8 points).
4 – Le potentiel d’investissement pour cet actif numérique dépasse désormais celui des devises traditionnelles : 17% chez l’ensemble des Français – dont 3% qui y ont déjà investi et 14% qui aimeraient investir -, soit une proportion supérieure à celle observée pour les devises traditionnelles. Cet intérêt est en outre fortement corrélé au profil « Gambler » des répondants puisque 42% des parieurs et 45% des joueurs de poker sont dans ce cas.
Un attrait qui repose plus sur l’appât du gain que sur son intérêt comme monnaie d’échange
5 – Le principal motif invoqué par les Français pour expliquer leur achat, ou volonté d’achat, de crypto-monnaies réside dans l’appât du gain et non dans leur potentiel d’utilisation en tant que véritable monnaies d’échange. Seuls 9% déclarent ainsi que leur but est de réaliser des achats, contre 91% qui le font plutôt pour gagner de l’argent, que ce soit à court terme (pour 40%) ou à long terme (pour 51%).
6 – Pourtant, le nombre de Français estimant que le Bitcoin jouera un véritable rôle de monnaie à l’avenir est loin d’être négligeable : 24% chez l’ensemble des Français, un score supérieur à ceux du Yen (22%), du Yuan (19%) ou du Rouble (6%). Et cette proportion atteint même deux tiers (67%) auprès de ceux qui ont déjà investi dans les crypto-monnaies, un score comparable à ceux du Dollar (67%) et de l’Euro (61%).
Jusqu’où va-t-il monter ?
7 – Invités à livrer leur pronostic sur l’évolution possible du cours du Bitcoin quelques jours avant son franchissement de la barre symbolique des 50 000 $ (16 février 2021), les Français en ayant déjà entendu parler estiment, en moyenne, qu’il pourrait atteindre un jour le seuil des 135 000 $.
LE POINT DE VUE DE L’EXPERT SUR LES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE
Moyen de paiement pour trafiquant d’un côté, véritable révolution technologique pour le système financier de l’autre, le Bitcoin et autres cryptomonnaies sont au cœur de nombreuses discussions au point qu’il en devient difficile de se faire un avis tranché sur l’avenir de cette technologie, sujette à de nombreux fantasmes.
Cette enquête confirme l’idée selon laquelle les crypto-monnaies sont aujourd’hui considérées avant tout comme des objets spéculatifs et non comme des véritables monnaies d’échange. Mais cette « Bitcoinmania » ne s’est pas encore emparée de Monsieur et Madame tout le monde : le profil sociologique des détenteurs de crypto-monnaies (hommes, jeunes, petits épargnants, amateurs de jeux d’argent…) rappelle plus celui du joueur de pokers en ligne que celui du gestionnaire en bon père de famille, il tend à rattacher l’engouement pour les monnaies électroniques plus à l’univers des paris en ligne et autres jeux d’argent qu’à celui des placements boursiers.
Dans ce contexte, même si l’usage essentiellement spéculatif de cet actif numérique rend improbable à court terme son utilisation en tant que moyen de paiement, il est important de noter que de nombreux acheteurs considèrent cet investissement sur le long-terme. Or, ceci semble symptomatique d’une réelle confiance dans l’avenir de la technologie sous-jacente – le Blockchain – et laisse présager d’une installation durable dans les écosystèmes économiques et numériques. Alors que sa courbe de prix décrit un comportement qu’on pourrait qualifier de « bulle cyclique », qui n’est pas sans rappeler le phénomène de la « bulle internet », toute la question reste de savoir si les cryptomonnaies connaitront un destin aussi durable.
Etienne Berthoz, chargé d’étude senior au pôle Corporate de l’Ifop
Cette étude a été menée sous la direction de François Kraus, directeur du pôle “Politique / Actualités” de l’Ifop, en partenariat avec l’agence Flashs. Pour toute demande de renseignements à propos de cette étude ou pour obtenir des informations quant aux conditions de réalisation d’une enquête du même type, vous pouvez contacter directement François Kraus au 0661003776 – francois.kraus@ifop.com .