La thématique du pouvoir d’achat, à travers les changements dans la manière d’acheter de consommer au regard du contexte inflationniste, apparaît comme le plus grand changement décelé par les cadres cette année (38%, +10 points vs 2022 et +24 points vs 2021), loin devant les changements dans les attentes des salariés vis-à-vis des entreprises (16%) ou dans l’organisation du travail (12%) alors qu’ils constituaient les principaux changements identifiés en 2022.
L’équilibre vie professionnelle – vie personnelle reste le premier critère favorisant l’épanouissement professionnel pour les cadres (citée par 28%, stable vs 2022). S’il constitue toujours un enjeu professionnel majeur pour 41% d’entre eux au total des citations (-12 points vs 2022), devancé par l’épanouissement au travail (42% au total, -14 points), l’utilisation des intelligences artificielles, testé pour la première fois et dont l’essor est important dans le travail des cadres, apparaît directement dans leur TOP 3 cette année (cité par 26% des cadres au total des citations).
A noter:
- Le télétravail (score stable vs 2022, et en baisse de -11 points vs 2020) ne constitue plus un enjeu désormais car bien intégré dans les logiques professionnelles et les modes de travail depuis sa généralisation en 2020.
- En revanche, la digitalisation des métiers constitue un enjeu prioritaire pour 14% des cadres au total, plus haut score depuis 2020 (+5 points vs 2022).
- Les critères favorisant l’épanouissement professionnel demeurent les mêmes que les années précédentes (équilibre pro-perso, sentiment d’effectuer un travail utile et qui a du sens) et dans des proportions tout à fait similaires.
Le vécu professionnel des cadres s’avère meilleur que l’an dernier.
La majorité des répondants estiment que leur travail est reconnu et rémunéré à leur juste valeur, et qu’ils ont des possibilités d’évolution – des scores en hausse de +4 points et +5 points sur les 3 dimensions présentées. Les augmentations du début d’année ainsi que les difficultés de recrutement des entreprises ont pu potentiellement contribuer à renforcer cette perception positive des cadres, avec une politique de fidélisation et de rétention des cadres plus importante ces 2 dernières années au regard d’un marché de l’emploi peu dynamique. En conséquence, une plus forte propension de cadres souhaite rester dans leur entreprise actuelle malgré une augmentation 2024 jugée potentiellement insuffisante – près d’1/2 contre 4 sur 10 en 2022 (48%, +5 points). Le cadre des négociations est toujours favorable à l’employeur pour 52% des salariés, un score assez stable versus 2022 (50%), tandis que 20% pensent que le cadre salarié est en position de force (-3 points).
4 cadres sur 10 (42%, – 9 points vs 2022) envisagent de quitter leur entreprise ou l’ont déjà quitté. Dans le détail, ils sont concrètement 8% à avoir effectivement quitté leur entreprise ces derniers mois. Parmi eux, les moins de 35 ans, ceux ayant déjà fait l’expérience de travailler en indépendant et ceux estimant que leur travail n’est pas reconnu à leur juste valeur sont surreprésentés (entre +14 points et +24 points). Parmi les raisons qui motivent cette envie de quitter l’entreprise : la rémunération jugée insuffisante (en hausse de +4 points vs 2022, citée par 39% au total), le management qui ne convient plus (38% de citations mais en baisse vs 2022, -4 points), et le manque de reconnaissance du travail (37% de citations, -2 points).
On observe de fait une polarisation de l’opinion des cadres sur la démission liée à la rémunération : une partie des cadres affirmant clairement pouvoir rester dans l’entreprise malgré une insatisfaction financière, une seconde partie pour qui l’insuffisance de la rémunération constitue un élément moteur dans l’envie de démissionner.
Au-delà du top 3, on note également une progression des motivations suivantes :
- La perte de sens dans son travail, manque d’utilité pour la société: 29%, +5 points
- L’envie d’accomplir un projet personnel: 18%, +5 points
- L’envie de quitter le salariat: 11%, +5 points également, et passe symboliquement la barre des 10%
L’intérêt pour le travail dans une TPE est majoritaire chez les cadres (56%), avec 25% d’entre eux qui seraient même « tout à fait intéressés ». Et plus on travaille déjà dans une petite structure actuellement, plus on a envie d’y travailler ; les cadres travaillant dans des entreprises de moins de 250 salariés étant plus enclins à vouloir travailler en TPE (72% VS 56% au global), contre 45% des cadres travaillant dans des entreprises de 250 salariés et plus. Ceux ayant déjà été travailleur indépendant sont aussi plus enclins à travailler dans une TPE (65%).
Les avantages perçus :
- Retrouver la dimension humaine (42% de citations au total)
- Une échelle de décision plus proche (31% de citations)
- Un rôle élargi et de plus grandes responsabilités dans l’entreprise (29% de citations)
Le portage salarial continue de bénéficier de façon stable d’une bonne notoriété (64%, dont 34% qui voient précisément de quoi il s’agit) et d’une bonne image (71%, dont 7% une très bonne image) auprès des cadres.
36% pourraient même expérimenter le portage salarial d’ici à 5 ans – là aussi une proportion stable.
Si les répondants reconnaissent de nombreux avantages au portage salarial, ils saluent particulièrement cette année le fait d’acquérir une expérience diversifiée, et le fait de valoriser son expérience professionnelle en travaillant pour de grandes structures.
L’image du travailleur indépendant progresse fortement cette année, malgré des contraintes administratives jugées de plus en plus prégnantes et un contexte économique peu propice au développement de l’activité.
- 80% déclarent avoir une bonne opinion du travailleur indépendant, dont 15% une très bonne opinion
- 20% déclarent avoir déjà travaillé en tant que travailleur indépendant
- 29% ont déjà songé à démissionner pour travailler en tant que travailleur indépendant, et 5% ont effectivement démissionné
- A l’avenir 1/3 des cadres serait intéressé pour travailler en indépendant, dont 6% « oui, beaucoup
- La possibilité de travailler à mi-temps en indépendant et à mi-temps en tant que salarié suscite l’intérêt de 47% des cadres, dont 11% qui seraient tout à fait intéressés
- 57% jugent qu’il est facile de travailler en équipe hybride, mais seulement 6% estiment que cela est “très facile”. Si le score global est majoritaire, ceci est à mettre en regard avec le manque d’expérience et de maturité sur le sujet côté cadres en entreprise par rapport à ceux qui ont déjà expérimenté le travail en indépendant. Ceux ayant expérimenté plusieurs fois l’activité en indépendant sont ainsi 82% à estimer le travail hybride facile et 75% parmi ceux qui l’ont expérimenté une seule fois.
Les atouts identifiés du travailleur indépendant :
- La liberté de choisir ses missions et ses sujets : 44% de citations au total, dont 24% en premier
- La liberté d’organisation: 41% au total des citations, dont 22% en premier
- L’absence de hiérarchie 29% de citations au total, dont 13% en premier
- Le défi de fidélisation des clients est également cité par 18%)
Les freins identifiés du travailleur indépendant : l’absence de revenus garantis demeure majoritaire (55% de citations au total donc 36% en premier), suivi de la crainte d’une baisse de revenus (31% au total) des citations. Les contraintes administratives s’insèrent dans le Top 3, avec 25% de citations au total dont 12% en premier. Ces contraintes se retrouvent également dans la perception du travail en tant que travailleur indépendant puisqu’il est davantage synonyme de contraintes (+8 points) que de libertés.
Le contexte économique est jugé peu propice à l’activité de travailleur indépendant, puisque 33% considèrent qu’il pourrait freiner le développement de l’activité de travailleur indépendant – un score en hausse de +8 points vs 2022. On revient à nouveau sur les scores observés en 2020 en pleine crise sanitaire, économique et social.
Au regard de ce contexte, les cadres ont une perception encore peu mature et donc mitigée du développement des intelligences artificielles (IA) pour l’activité de travailleur indépendant, avec 1/3 qui considère le développement des IA comme une opportunité, 1/3 qui y voit une menace et 1/3 qui n’y voit ni l’un ni l’autre. Ici, les cadres de la région parisienne, les jeunes et les freelance expérimentés – qui constituent « l’écosystème positif » pour toutes les nouvelles formes de travail – sont plus enclins à envisager les IA comme des opportunités pour leur activité.
La réforme des ruptures conventionnelles envisagée par le gouvernement, visant en limiter davantage l’accès, pourrait également constituer un facteur contraignant supplémentaire pour les travailleurs indépendants ou ceux qui souhaiteraient se lancer. Pour autant, la perception de cette réforme se fait en demi-teinte auprès des cadres, puisqu’ils sont 40% à penser que cette réforme pourrait avoir un impact positif sur l’activité de Freelance, alors qu’elle aurait paradoxalement pour effet de moins sécuriser le démarrage de l’activité. Seuls 23% pensent que cela pourrait avoir un impact négatif sur l’activité et 37% ne se prononcent pas. A nouveau, on observe un certain manque de maturité vis-à-vis des contraintes associées à une restriction des droits des salariés sur l’activité de travailleur indépendant.
L’image des séniors en entreprise demeure stable, avec un « âge d’entrée » dans cette catégorie qui se situe en moyenne d’après les cadres à 53 ans, contre 52 ans en 2022.
Les cadres demeurent également très favorables aux différentes mesures visant à favoriser l’emploi des séniors : entre 80% et 92% d’agrément. Les scores sont stables dans l’ensemble, bien que les cadres soient moins nombreux cette année à légitimer l’index senior (-4 points) et la compensation par l’assurance chômage en conservant un emploi moins bien rémunéré (-3 points).
En parallèle, le sentiment d’une meilleure prise en en compte des attentes des plus jeunes salariés en entreprise passe symboliquement la barre des 50% (52%, +3 points vs 2022), tandis que seulement 11% des cadres pensent qu’on priorise les attentes des plus âgés. L’âge des cadres interrogés renforce significativement les opinions à ce sujet, puisque 66% des 50 ans et plus valorisent une meilleure prise en compte des attentes des jeunes (contre 52% en moyenne, soit +14 points), tandis qu’à l’inverse les plus jeunes sont 19% à penser qu’on prend davantage en compte les attentes des plus âgés (+8 points vs moyenne), bien que le score demeure minoritaire.
Enfin, si la perception de la carrière des cadres dans le temps long s’avère meilleure qu’en 1977, les perspectives de progression en fin de carrière sont encore jugées insuffisantes :
- Une majorité de cadres (56%) continue de penser que, passé un certain âge, un cadre ne peut plus avoir l’ambition de progresser voire peut même éprouver des difficultés à se maintenir – un score qui demeure majoritaire malgré un recul de 16 points constatée par rapport à 1977.
- Une minorité de 42% pensent qu’un cadre peut être chassé de son entreprise passé 50 ans, avec la quasi-certitude d’être chômeur avec des indemnités réduites. Ce score était majoritaire en 1977 (59%, soit une baisse de 17 points).
- Enfin, seuls 36% jugent qu’un cadre est à peu près sûr de se maintenir dans sa carrière et son salaire jusqu’à la retraite, une proportion stable par rapport à 1977 (-2 points seulement).