Pauline Blassel, Secrétaire générale de l’Hadopi, autorité publique indépendante créée en 2009 pour agir en faveur de la protection et de la diffusion de la création sur Internet, revient pour nous sur les résultats d’un baromètre mené avec l’Ifop sur sur les pratiques culturelles à domicile en période de confinement.
Pouvez-vous vous présenter et nous indiquer les raisons qui vous ont poussé à commander à Ifop un baromètre sur les pratiques culturelles à domicile en période de confinement ?
L’Hadopi est une autorité publique indépendante créée en 2009 pour agir en faveur de la protection et de la diffusion de la création sur Internet et lutter contre le piratage en ligne de l’ensemble des œuvres culturelles protégées par un droit d’auteur (musique, films, séries, jeux vidéos, etc.).
L’Hadopi est également chargée d’une mission légale d’observation des usages, licites et illicites, qui permet notamment de mieux comprendre les comportements des internautes en matière de consommation de la culture en ligne. L’accès à la culture en ligne n’a cessé de progresser ces dix dernières années, pour concerner 81 % des internautes en 2019. Lorsque le confinement a été mis en place, entrainant notamment l’annulation ou le report des évènements culturels ainsi que la fermeture des lieux culturels, nous avons pensé que les pratiques en ligne allaient être modifiées et qu’il était essentiel de pouvoir suivre directement leurs évolutions. C’est pourquoi nous avons souhaité réaliser un baromètre sur les pratiques culturelles en ligne dès le début du confinement et conduire plusieurs vagues successives d’études jusqu’au déconfinement.
La consommation de biens culturels dématérialisés a connu une forte augmentation lors du confinement : vous attendiez-vous à de telles évolutions, comment les expliquez-vous ?
Nous avions l’intuition, à juste titre, que cette période inédite pouvait s’accompagner de changements importants dans les pratiques des consommateurs. Nous nous attendions évidemment à une augmentation des usages, et elle a eu lieu dans des proportions importantes puisque, au cœur de la période de confinement (la quatrième semaine), près de 90 % des internautes français accédaient à des biens culturels dématérialisés.
Il nous est apparu particulièrement intéressant de noter que la consommation de biens culturels était l’activité le plus souvent considérée comme indispensable à l’équilibre des personnes confinées, devant le sport, même pour les plus jeunes internautes.
Nous avons enfin relevé avec satisfaction que pour 55 % des consommateurs (et même 70 % des 15-24 ans) la période de confinement avait été propice à la découverte d’œuvres qu’ils n’auraient pas connues en dehors de ce contexte particulier.
Cette progression de la consommation dématérialisée semble aussi s’accompagner d’un développement des pratiques illicites. Quels enseignements en tirez-vous ?
La consommation de biens culturels a augmenté dans son ensemble. Pendant ces huit semaines de confinement, entre 84 à 89 % des internautes ont accédé à des œuvres en ligne, ce qui représente 3 à 8 points de plus que le taux de consommation observé en mai 2019 (81 %). Ce sont des taux de consommation records.
Les personnes qui ont accédé à des contenus de manière illicite ont, parallèlement, augmenté leurs usages légaux : les pratiques illicites restent majoritairement des pratiques complémentaires des pratiques légales. On observe habituellement une mixité des pratiques de plus en plus importante, qui s’est confirmée pendant le confinement.
Pour autant, la dernière vague du baromètre fait apparaître un taux de consommation illicite semblable à celui observé en mai 2019, alors que les actions menées par les ayants droit et l’Hadopi avait permis d’obtenir, au début de l’année 2020, une diminution sensible des pratiques illicites. En cette période de crise sanitaire aux conséquences si préjudiciables pour les acteurs de la création, il est plus que jamais indispensable de réduire le piratage qui génère des pertes considérables pour le secteur culturel comme pour l’État.
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