A l’occasion de l’application de la disposition de la loi « pouvoir d’achat » permettant aux ménages de résilier leurs abonnements « en 3 clics », l’Ifop publie une grande enquête sur l’ampleur des difficultés financières actuelles des Français qui met en lumière les effets néfastes de l’inflation sur leur santé physique (ex : renoncement à certains repas, abandon d’activités sportives…) mais aussi psychique via des troubles comme l’anxiété ou les pensées suicidaires… Réalisée pour le site MonPetitForfait auprès de 1 500 Français, cette étude montre en effet que l’anxiété financière des Français, loin d’être un sentiment irrationnel, est bien le fruit d’une dégradation réelle de leur pouvoir d’achat non sans conséquences inquiétantes sur leur corps (ex : déficit d’alimentation) comme sur leur esprit (ex : dépression).
A – Anxiété, pensées suicidaires, dépression… La face cachée d’une inflation qui fragilise de plus en plus de Français sur le plan financier
1 – Plus d’un Français sur deux (56%) admet rencontrer actuellement des difficultés à vivre avec les revenus de leur foyer, soit une proportion en hausse significative par rapport à janvier 2023 (49%). Et très logiquement, c’est le cas des deux tiers (65%) des Français gagnant personnellement moins de 2 000 € nets / mois, soit le seuil de revenu fixé pour toucher l’indemnité inflation jusqu’en février 2022.
2 – Ces difficultés à s’en sortir financièrement transparaissent dans le nombre croissant de Français qui n’arrivent pas payer les charges liées à leur logement : 34% des Français admettent qu’il leur arrive de ne pas pouvoir payer à l’heure les charges liées à leur logement (ex : électricité, gaz, loyer…), soit une proportion en hausse de 5 points en dix-huit mois (29% en octobre 2021).
3 – Et au 10 du mois, c’est-à-dire après le prélèvement de la plupart de ces dépenses « contraintes » sur les comptes bancaires, une proportion importante de la population se retrouve avec un « reste à vivre » très insuffisant pour s’alimenter correctement : 31% des Français déclarent qu’il leur reste en général moins de 100 € sur leur compte en banque le 10 du mois, 10% admettant même être généralement à découvert à ce moment-là.
Le point de vue de François Kraus de l’Ifop : la flambée actuelle des prix ne conduit pas qu’à rogner sur les conditions de vie matérielles des Français les plus pauvres mais aussi à fragiliser leur santé mentale : les troubles anxiodépressifs étant bien plus fréquents dans la fraction de la population la plus en difficulté financièrement quel que soit l’indicateur retenu. Certes, ces troubles psychologiques sont souvent d’origine multifactorielle mais on ne peut que constater que les plus fragiles financièrement affichent des niveaux de détresse largement supérieurs à la moyenne. Confirmant la « forte différenciation sociale du risque suicidaire » observée dans le dernier rapport de l’Observatoire national du suicide, les résultats de cette enquête ont donc le mérite de mettre en exergue le lien entre précarité et détresse psychologique (ex : troubles du sommeil, anxiété, dépression…) dans un contexte où l’inflation oblige de plus en plus de monde à se serrer la ceinture au sens propre comme au sens figuré.
B – La crise du pouvoir d’achat oblige la majorité des Français à se serrer la ceinture au point d’altérer leur santé et leur apparence physique
4 – Deux Français sur trois (66%) trouvent que leur pouvoir d’achat s’est dégradé ces douze derniers mois, soit un taux nettement supérieur à celui observé avant la crise du Covid-19 (54% en 2018) mais qui s’impose également comme un niveau record depuis 2007. Et dans le détail, les Français ressentent une hausse des prix au cours des douze derniers mois dans tous les principaux postes budgétaires.
5 – Face aux difficultés financières à se procurer certains produits, des stratégies de renonciation se mettent en place aux dépens de la santé ou de l’équilibre alimentaire. Ainsi, la proportion de Français, qui ont réduit leurs dépenses alimentaires pour des raisons financières a doublé en l’espace d’une quinzaine d’années, passant de 29% en 2007 à 58% en 2023. Et pour les mêmes motifs, une proportion croissante de Français en vient à « sauter des repas » (51%, +7 points depuis juin 2022) dont 28% de manière assez régulière (« souvent » ou « de temps en temps »).
6 – Et si des objets perçus comme moins vitaux tels que les équipements électroniques (téléphones, ordinateurs…) peuvent être aussi sacrifiés sur l’autel de l’austérité, ce sont les dépenses relatives à leur bien-être et à leur apparence physique qui semblent rognées en priorité. Ainsi, le type de contrat que les Français résilieraient en premier s’ils le pouvaient à partir du 1er juin, serait leur abonnement à une salle de sport (40%). De même, une proportion croissante de Français admet qui leur arrive de renoncer à aller chez le coiffeur (69 %, + 3 points depuis juin 2022) ou à certains soins médicaux (50%, + 6 points depuis juin 2022) par manque d’argent. Enfin, le nombre de Français qui ont eu tendance à reporter certaines dépenses de santé ces 12 derniers mois est, certes minoritaire, mais quasiment deux fois plus élevé aujourd’hui (41%) qu’il y a une quinzaine d’années (25% en 2007).
Le point de vue de François Kraus de l’Ifop : Il est évident que les restrictions de niveau de vie imposées par cette crise du pouvoir d’achat agissent fortement sur la santé mentale des plus vulnérables, sans doute parce que l’incapacité à accéder à certains standards de consommation génère un sentiment de déclassement qui contribue à dégrader l’image que les personnes se font d’elles-mêmes. En effet, leur écart par rapport à la norme commune d’accès à certains produits ou services ne peut que renforcer un sentiment de dévalorisation qui peut déboucher sur des formes de détresses psychologiques graves telles que la dépression ou des idées suicidaires. Si l’inflation ne remet pas encore en cause l’accès à des besoins vitaux, cette flambée des prix n’en prend donc pas moins une tournure anxiogène pour tous ceux qui refusent d’être condamnés à une vie dominée par la privation du droit au plaisir. Or, comme l’explique Claude Halmos, les produits même « superflus » sont indispensables à la santé psychologique des gens, car ils leur apportent un plaisir, nourrissant ainsi un « désir de vivre qui, privé de ce plaisir, s’amoindrit toujours » (Claude Halmos, Le Monde, 15 avril 2023).
C – Dans ce contexte, l’action du gouvernement contre l’inflation est jugée sévèrement même si nombre de Français souhaitent saisir les opportunités législatives leur permettant d’alléger leurs charges
7 – Les trois quarts des Français (73%) jugent que le gouvernement Borne n’en fait pas assez pour lutter contre la hausse des prix mais son action semble un peu mieux perçue qu’il y a un an : 24% d’entre eux estiment « qu’il agit comme il faut » dans ce domaine, contre 16% en octobre 2022.
8 – Il est vrai que son action n’est pas toujours bien identifiée. Ainsi, la loi « résiliation en 3 clics » qui doit être mise en œuvre à partir du 1er juin, est connue par moins d’un Français sur deux : 43% seulement des Français ont entendu parler de la disposition qui va obliger les entreprises à faciliter la résiliation d’un abonnement à un service (ex : internet, électricité, gaz, téléphone, assureurs, salles de sport, sites de rencontre…) en permettant à leurs abonnés d’accéder à un bouton « résiliation » en trois clics.
9 – Plus d’un Français sur trois a l’intention de résilier un de ses services d’abonnement à partir de l’application de la loi “résiliation en 3 clics”. En effet, 37% des Français pourraient, au total, résilier au moins un abonnement à cette occasion, signe que la mesure gouvernementale répond quand même partiellement à une demande sociale : celle d’alléger le poids de ces dépenses contraintes que nombre de Français peinent à payer à l’heure.