A l’occasion de la journée nationale de la laïcité (9 décembre 2023), Elmaniya.tv, la nouvelle chaîne laïque franco arabe, a commandé à l’Ifop une enquête permettant de mieux cerner la place que les Français musulmans accordent aujourd’hui à la religion, le sens qu’ils donnent à la laïcité mais aussi leur point de vue sur les récents événements (ex : interdiction des abayas le 3 septembre, assassinat d’Arras par un islamiste le 13 octobre…) ayant mis au premier plan la question de l’Islam à l’Ecole. Pour cela, l’Ifop a mis en place un dispositif d’étude permettant de mesurer la spécificité des musulmans de France sur ces sujets – à travers des indicateurs offrant des comparaisons avec le point de vue de l’ensemble des Français – mais aussi d’analyser certaines variables pouvant influencer leur rapport à la laïcité comme leur âge ou leur degré de religiosité. Au regard de cette étude menée auprès d’un échantillon représentatif de 1000 musulmans déclarés, la population musulmane apparaît imprégnée d’une vision très ouverte de la laïcité associée à un soutien massif aux manifestations de religiosité dans la société en général et à l’Ecole en particulier (ex : voile, abaya…).
LES CHIFFRES CLÉS DE L’ENQUETE
Dans un contexte marqué par l’interdiction des abayas à l’Ecole publique (3 septembre), une très large majorité des Français musulmans (78%) partage le sentiment que la laïcité telle qu’elle est appliquée aujourd’hui par les pouvoirs publics est discriminatoire envers les musulmans.
Les trois quarts des Français musulmans souhaitent un retour au régime concordataire appliqué en France jusqu’au vote de la loi de 1905 : 75% d’entre eux de disant favorables au « financement public des lieux de culte et des religieux des principales religions (ex : curés, popes, rabbins, imams…) comme c’est le cas en Alsace-Moselle pour certains cultes ».
D’autres revendications passent par l’abrogation de dispositifs empêchant l’expression vestimentaire de leur religion dans l’espace public. Ils soutiennent ainsi massivement le droit des athlètes français(e)s à porter des couvre-chefs religieux aux prochains JO en France (75%) ;
Près de 20 ans après son application, les Français de confession musulmane sont toujours massivement opposés à la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostensibles à l’Ecole. En effet, les deux tiers d’entre eux (65%) se disent favorables au port de couvre-chefs à caractère religieux (ex : voile, kippa…) dans l’enceinte des collèges et lycées publics.
Les musulmans soutiennent massivement aussi d’autres formes de manifestations de religiositédans l’espace scolaire tel que le port de signes religieux par les parents accompagnateurs faisant action d’enseignement (à 75%) ou l’introduction de menus à caractère confessionnel (ex : viande halal, viande casher…) à la cantine (à 83%).
Enfin, environ la moitié d’entre eux soutiennent également une remise en cause du principe de neutralité religieuse dans le cœur des enseignements, revendiquant par exemple le droit des jeunes filles « à ne pas assister aux cours de natation pour des raisons religieuses » (à 57%) ou des élèves à « ne pas assister aux cours dont le contenu heurterait leurs convictions religieuses » (à 50%).
Si l’interdiction des abayas annoncée à la rentrée a fait l’objet d’un quasi-consensus dans la population générale (81% des Français approuvent cette interdiction), rares sont les musulmans(28%) à soutenir la décision du nouveau ministre de l’Education nationale.
Leur rapport particulier à la laïcité n’empêche pas la plupart des musulmans (78%) de condamner totalement le meurtrier de Dominique Bernard à Arras mais leur condamnation manque de fermeté : les personnes n’exprimant pas une condamnation totale de l’assassin sont trois fois plus nombreuses dans les rangs des musulmans (16%) que chez l’ensemble des Français (5%), notamment parmi les élèves scolarisés actuellement dans l’enseignement secondaire ou supérieur (31%).