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Baromètre sur la solitude (vague 5)

Trois ans après la fin des confinements, la nouvelle édition du baromètre sur la solitude des Français, réalisé par l’Ifop pour l’association Astrée, dresse un tableau nuancé de la situation. Si la vie sociale semble avoir repris son cours, la crise sanitaire a laissé des traces durables et révélé des fragilités structurelles dans la société française.

 

Un retour à la normale en trompe-l’œil

 

Les Français ont globalement une vie sociale satisfaisante, avec des relations proches et mobilisables sur lesquelles ils peuvent compter pour leur apporter un soutien émotionnel. En effet, ils voient leurs proches assez souvent : la moitié d’entre eux voient leur famille (52 %) et un tiers leurs amis (33 %) au moins une fois par semaine. Une forte majorité estime avoir suffisamment de personnes dans leur entourage dont ils se sentent proches (73 %) et auprès de qui ils trouvent du réconfort : ils peuvent appeler leurs amis en cas de besoin (73 %) et déclarent toujours avoir quelqu’un à qui parler de leurs problèmes quotidiens (64 %).

De surcroit, les principaux indicateurs du baromètre montrent une amélioration par rapport au pic de la crise sanitaire : la proportion de Français déclarant que la compagnie des autres leur manque a chuté de 66% à 42% entre 2020 et 2024, tandis que ceux qui regrettent l’absence de personnes autour d’eux sont passés de 48% à 29%.

Pourtant, derrière ces chiffres encourageants se cache une réalité plus complexe : la solitude chronique — ces Français qui se disent « toujours » ou « souvent » seuls — reste supérieure à son niveau d’avant-crise (17% contre 13% en 2018). Un constat qui suggère que la pandémie a durablement modifié les liens sociaux, notamment via l’accélération de la digitalisation de la société.

 

 

 

Le paradoxe du télétravail

 

Le télétravail illustre parfaitement cette ambivalence. Si 75% des télétravailleurs apprécient cette organisation qui leur permet de mieux concilier vie professionnelle et personnelle, ils sont aussi plus touchés par la solitude : 28% des télétravailleurs fréquents déclarent une solitude chronique, contre 17% dans la population générale. La dégradation des échanges informels et des relations est ressentie par une partie des télétravailleurs : 47% regrettent les moments conviviaux comme les pauses café ou les déjeuners. Par ailleurs, 50% des salariés qui font fréquemment du télétravail reconnaissent que cela accroit leur sentiment de solitude.

 

Une cartographie inattendue de la solitude

 

L’étude bouscule les idées reçues sur la solitude en France. Alors que 53% des Français considèrent le vieillissement comme la première cause de solitude, suivie par le deuil (48%), la réalité est tout autre : ce sont les jeunes qui souffrent le plus de l’isolement. Les moins de 25 ans sont ainsi 40% à déclarer une solitude chronique, contre seulement 7% des plus de 65 ans.

L’enquête dessine également les contours d’une solitude sociale : 31% des catégories modestes et pauvres sont touchées, contre 11% des catégories aisées. Le phénomène frappe aussi plus durement certaines populations : 33% des personnes LGBT (contre 16% des hétérosexuels), 24% des célibataires (contre 13% des personnes en couple). Ces chiffres montrent que la solitude n’est pas uniquement une question d’âge ou de géographie, mais qu’elle résulte d’un cumul de vulnérabilités sociales, économiques et relationnelles.

 

Un tabou qui s’estompe mais une vigilance qui s’émousse

 

L’expression du sentiment de solitude progresse en France, passant de 25% en 2018 à 31% en 2024. Cette évolution reflète deux mouvements de fond : l’impact désinhibant de la crise sanitaire, qui a normalisé l’expression des fragilités, mais aussi un changement générationnel plus profond. Les moins de 35 ans, bien que plus touchés par la solitude (40% de solitude chronique chez les 18-24 ans), sont aussi ceux qui en parlent le plus facilement, marquant une rupture avec la culture du silence des générations précédentes. Cependant, l’attention collective sur ce sujet s’érode : alors que 82% des Français considéraient la solitude comme un problème important en 2020, ils ne sont plus que 74% aujourd’hui. De surcroît, seulement 15% pensent qu’il s’agit d’un problème « très important ». Alors que le sujet a bénéficié d’une visibilité importante pendant la crise du Covid 19, il est peut-être considéré comme moins important aujourd’hui par les Français avec un risque de banalisation.

 

Santé mentale et estime de soi : les ravages silencieux de la solitude chronique

 

La solitude chronique, qui touche 17% des Français, s’accompagne de conséquences graves sur la santé mentale et l’estime de soi. Les personnes en situation d’isolement chronique montrent une forte vulnérabilité psychologique : 76% se déclarent malheureuses, un chiffre plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale (34%). Leur confiance en elles est également très fragilisée : 74% affirment se sentir inutiles (contre 38% pour l’ensemble des Français) et 75% disent ne pas être à la hauteur (contre 50%).

Ces sentiments de dévalorisation sont particulièrement exacerbés dans les moments de solitude. Deux tiers (67%) des personnes isolées déclarent se dévaloriser fréquemment ou avoir une mauvaise image d’elles-mêmes, comparé à 42% pour la moyenne nationale. Ce mal-être conduit souvent à des comportements d’évitement : 76% des personnes chroniquement seules ont déjà évité des situations sociales par peur du jugement ou du rejet (contre 37% des Français en général).

On notera également que près de la moitié des personnes isolées ont consommé des antidépresseurs (46%) ou des anxiolytiques (46%), contre respectivement 27% et 28% pour l’ensemble de la population. Plus alarmant encore, 65% des personnes chroniquement seules ont envisagé de mettre fin à leurs jours, soit plus du double de la moyenne nationale (32%).

 

Le point de vue de François Legrand, Directeur d’études à l’IFOP

 

La plus longue étude jamais menée sur le bonheur, conduite depuis 85 ans par l’université de Harvard, aboutit à un constat sans appel : la qualité des relations humaines représente le principal déterminant d’une vie à la fois heureuse et en bonne santé. Cette recherche historique fait écho aux données du baromètre Ifop-Astrée, qui souligne l’impact dévastateur de la solitude sur la santé mentale en France. En effet, près des deux tiers des personnes isolées ont déjà envisagé de mettre fin à leurs jours, tandis que leur consommation de psychotropes est deux fois plus élevée que la moyenne. La solitude s’impose donc comme un enjeu majeur de santé publique, générant des coûts humains et économiques considérables, encore trop souvent minimisés.

Depuis la crise du Covid-19, la proportion de personnes souffrant de solitude chronique n’est jamais redescendue à son niveau d’avant-pandémie (17 % contre 13 % en 2018). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance persistante : l’interruption prolongée des liens sociaux au cours des confinements et l’accélération de la digitalisation de la société. Paradoxalement, alors que le sujet a perdu en visibilité médiatique depuis la fin des restrictions sanitaires, on observe tout de même un phénomène encourageant : le tabou entourant l’expression de la solitude se lève progressivement, notamment chez les plus jeunes. Cette libération de la parole témoigne d’un mouvement plus large de reconnaissance des enjeux de santé mentale. Elle représente peut-être la première étape d’une prise de conscience collective sur l’importance capitale du lien social, cette « forme sociale » que les chercheurs de Harvard appellent de leurs vœux.

 

Documents à télécharger

Présentation graphique Principaux enseignements

Méthodologie de recueil

L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1504 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus
La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d'agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 6 au 12 décembre 2024.

Vos interlocuteurs

François Legrand Directeur d’études - Opinion & Stratégies d'Entreprises

Lisa Roure Chargée d’études - Opinion & Stratégies d’Entreprise

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L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1504 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus
La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d'agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 6 au 12 décembre 2024.

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