Alors que la France et l’Algérie traversent leur crise la plus grave depuis 1962, notamment après le renvoi par Alger d’un influenceur algérien expulsé par Paris, l’Ifop a réalisé pour Sud Radio une enquête de fond sur la manière dont les Français perçoivent les relations franco-algériennes et la manière de réagir aux provocations des autorités algériennes.
L’Algérie est de loin le pays du Maghreb qui suscite le plus de rejet dans l’opinion publique française : près des trois quarts des Français en ont une mauvaise image (71 %), soit une proportion de jugements négatifs presque deux fois supérieure à celle mesurée pour le Maroc (32 %) ou la Tunisie (40 %). Et le rejet que suscite l’ancienne colonie française dans l’Hexagone est majoritaire dans toutes les catégories de la population, à l’exception notable des sympathisants de La France insoumise qui sont les seuls à avoir un regard majoritairement positif sur ce pays (à 58 %, contre une moyenne nationale de 29 %).
Ce regard négatif sur l’Algérie tient sans doute au fait que la France est loin d’être perçue comme la gagnante des différentes formes de coopération mises en place avec le régime autoritaire depuis 1962. Tout comme on pouvait déjà l’observer il y a près d’une cinquantaine d’années, la grande majorité des Français (74 %) estiment que l’Algérie tire davantage de bénéfices de la coopération franco-algérienne que la France. Seuls les électorats situés le plus à gauche de l’échiquier politique (LFI, Écologistes) trouvent, au contraire que c’est la France qui tire le plus de bénéfices de sa coopération avec l’Algérie, probablement parce qu’ils sont culturellement plus sensibles à une grille de lecture anticolonialiste des rapports entre la France et l’Algérie.
De même, ce jugement négatif est corrélé à un regard pour le moins critique sur l’intérêt économique que constitue pour leur pays la diaspora algérienne. Six Français sur 10 estiment que les Algériens qui vivent en France ne sont plutôt pas importants pour l’économie française, soit une proportion sensiblement supérieure à celle que l’on pouvait mesurer il y a une trentaine d’années (54 % en 1994). Sur ce point, on notera toutefois que l’importance des ressortissants algériens pour l’économie hexagonale n’est pas saluée que par les électeurs de la gauche radicale. L’atout que constituent les travailleurs étrangers est aussi salué par une majorité de jeunes de moins de 25 ans (55 %), de cadres (54 %) et de dirigeants d’entreprises (51 %).
Parmi les différentes mesures de rétorsion évoquées par les responsables politiques français contre Alger, on note un soutien majoritaire de l’opinion à la révocation des accords facilitant la circulation des Algériens en France, qu’il s’agisse de l’accord de 1968 (61 %) ou de l’accord intergouvernementale permettant une grande facilité de circulation au titulaire d’un passeport diplomatique algérien (61%). Sur ce plan, on notera là aussi que l’adhésion à ces mesures de fermeté contre Alger est d’autant forte que les sondés sont situés à droite même si, point notable, les sympathisants LFI soutiennent eux aussi majoritairement la révocation de l’accord de 1968 (à 52 %). Par ailleurs, 64 % des sondés pensent que la France devrait reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.