A l’heure de Tinder et de la « fast drague », se diffuse l’idée que les rapports de séduction entre les hommes et les femmes seraient bouleversés et que la « galanterie à la Française » se perdrait. En réalité, cette étude Ifop pour Love Advisor révèle une certaine stabilité des pratiques et représentations des rapports de séduction, notamment hétérosexuels. En effet, le premier pas reste une entreprise principalement masculine et l’adhésion des Françaises aux rites de galanterie majoritaire. Toutefois, cette étude donne à voir la montée d’une vague d’empowerment féminin portée par les jeunes générations ou les femmes les plus féministes ou les plus surs d’elles. Certaines osent faire le premier pas et s’affranchir des injonctions galantes, érigées au rang de « patrimoine français » par certains, critiqués comme une manifestations d’un « sexisme bienveillant » (B. Dardenne).
LES CHIFFRES CLÉS
1 – Près de huit femmes sur dix (77%) trouvent normal qu’une femme prenne l’initiative d’un rendez-vous amoureux, 7 points de plus qu’en 1994. Cette évolution ne doit toutefois pas masquer les disparités qui émaillent l’opinion féminine : on constate ainsi un écart générationnel et social.
2 – Les Françaises semblent plus affranchies des idées reçues en matière de séduction que sur la galanterie, encore ancrées. Même si elles préfèrent que les hommes fassent le premier pas, elles sont moins de 20% à avoir des a priori négatifs sur les femmes entreprenantes. En revanche, les Françaises expriment des opinions plus « conservatrices » s’agissant du respect des règles de galanterie : c’est systématiquement plus de la moitié de la gente féminine qui adhère à ces « traditions ».
3 – Neuf femmes sur dix préfèrent encore que les hommes fassent le premier pas. Cette préférence peut surement s’expliquer par la crainte du « non » entachant sa confiance en soi, plus fragile chez les femmes soumises à davantage de pressions et d’injonctions.
4 – Ce sont tout de même près de deux tiers (63%) des Françaises qui ont un jour osé faire le premier pas, même si cette entreprise s’avère plus rare (36%) que récurrente (4% le font souvent).
5 – Dans le détail des modes de « drague » auxquelles les femmes ont recours, cette étude révèle qu’il s’agit davantage d’une approche indirecte : plus de la moitié des femmes abordent les personnes de manière détournée. Le recours à Internet s’impose aujourd’hui comme dominant : si on additionne les 24% de Françaises ayant déjà « dragué » une personne qui leur plaisait via un site ou une application de rencontre et les 20% via Internet.
6 – Si les femmes ne font pas le premier pas, c’est d’abord par timidité et manque de confiance en elles (49% de citations), par peur du rejet (42%) et par crainte d’être perçue par les hommes comme une « fille facile » (34%).
7 – Concernant l’épineuse question du partage de l’addition lors du premier rendez-vous, on relève une tendance au partage plus qu’à une inversion de la prise en charge. Si presqu’une femme sur deux (49%) pense qu’il est normal de régler la note, ce sont pourtant plus de la moitié des célibataires qui déclarent ne pas le faire (dans 53% des cas, c’est la personne avec laquelle les femmes ont rendez-vous qui paye l’addition).
Le point de vue de Louise Jussian de l’Ifop :
Loin d’être un sujet frivole, les comportements de séduction des femmes revêtent un véritable enjeu pour l’égalité des genres, et font apparaitre le constat d’une société encore largement émaillée par un « sexisme bienveillant ». Cette étude nous révèle en effet que les normes de séduction sexistes sont encore ancrées dans l’imaginaire, y compris féminin. La « séduction à la française » incarnée dans les règles de galanterie semble encore occuper une grande place dans les représentations associées à la séduction, notamment dans les rapports hétérosexuels. Toutefois, à l’ère post me too, une friction émerge entre une adhésion persistante aux règles désuètes de galanterie et les signes encourageants d’une prise en main féminine. Il est en effet davantage accepté qu’une femme fasse le premier pas, et elles sont près de deux tiers à l’avoir déjà expérimenté. A la pointe de cette vague d’empowerment féminin, les trentenaires, les femmes ayant le plus confiance en elles ou les plus féministes semblent porter un nouvel idéal de séduction plus égalitaire.
Cette étude a été menée sous la direction de François Kraus, directeur du pôle “Politique / Actualités” de l’Ifop, en partenariat avec l’agence Flashs. Pour toute demande de renseignements à propos de cette étude ou pour obtenir des informations quant aux conditions de réalisation d’une enquête du même type, vous pouvez contacter directement François Kraus au 0661003776 – francois.kraus@ifop.com .