Enquête Ifop pour Caroom : sur la route des vacances, la voiture, un objet de pouvoir et de tensions dans le couple ?
Enquête sur les problématiques de genre et les clichés sexistes en lien avec la conduite automobile
A l’heure où les Français s’apprêtent à prendre la route des vacances, le volant sera-t-il cet été encore tenu par des hommes ou les rôles de genre ont évolué dans l’habitacle des voitures familiales ? Reposant sur tout un ensemble de stéréotypes culturels conférant aux hommes un « privilège de genre » sur de tout ce qui touche de près ou de loin à la sphère automobile, la prééminence masculine en la matière semble pourtant de plus en plus remise en cause au sein des couples au regard des résultats de cette étude menée par l’Ifop pour le mandataire automobile Caroom. Remontant à une époque – celles des premières heures de l’ère de l’automobile – où les femmes étaient pour l’essentiel assignées à leur foyer, les formes de domination masculine et de sexisme dont souffrent les femmes dans leur rapport avec les voitures n’en restent pas moins prégnantes…
Les chiffres clés
A – LA VOITURE, ENJEU DE POUVOIR ET DE DISPUTE DANS LE COUPLE ?
- Les hommes s’agrippent toujours au volant. Les hommes ne sont toujours pas enclins à lâcher le volant au profit de leur conjointe. Obéissant à ses stéréotypes de genre bien ancrés qui leur confèrent le rôle d’assurer la sécurité du foyer, ils estiment que la place du conducteur leur revient naturellement, particulièrement lorsqu’il s’agit d’effectuer de longs trajets. Ainsi, 8 hommes sur 10 sont généralement au volant au moment de partir en vacances.
- Une perception différente du partage. De même, ils ont du mal à reconnaître dans leurs déclarations leur aptitude à partager ce même volant avec leur conjointe. 1 homme sur 10 seulement assume ce partage de la conduite sur des longs trajets quand plus de 2 femmes sur 10 déclarent que c’est une réalité dans leur couple. L’image qu’il convient de donner, celui de l’homme endossant seul la responsabilité de conduire sa famille à bon port, l’emporte visiblement sur les faits.
- Fréquentes disputes dans l’habitacle. Prolongement de la vie à l’extérieure, l’habitacle de la voiture, confiné par nature, est un lieu de conflits et de disputes pour plus de la moitié des couples interrogés (53%), tant sur les courts que sur les longs trajets. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à faire état de ces disputes (57% contre 51%), particulièrement chez les dirigeantes d’entreprises (75%) sans doute plus habituées à avoir le contrôle, et donc à questionner la prééminence masculine en voiture.
- La conduite masculine source de conflits. Plus de la moitié des femmes (52%) indiquent que le style de conduite est une source de dispute avec leur compagnon et 28% citent la vitesse. Objet de virilité, la voiture est pour de nombreux hommes le moyen de s’affirmer, par une conduite qui peut être à risque, brutale et agressive, vis-à-vis de leurs congénères également au volant. La forte hausse de ce motif de dispute (+ 18 points par rapport à 2017) est également un bon indicateur des tensions de plus en plus palpables dans la société, et donc au sein des couples. Plus étonnant à l’heure de la généralisation des systèmes de guidage, la direction à prendre est source de conflit pour plus des 2/3 des répondants, là aussi en hausse de 8 points en 4 ans. Découlant directement du style de conduite de leur conjoint, 43% des femmes en couple déclarent avoir déjà eu peur en voiture lorsque celui-ci conduit, contre 36% des hommes qui ont déjà éprouvé ce sentiment.
B – LA CONTESTATION DE LA PRÉEMINENCE MASCULINE DANS LES DÉPENSES LIÉES A LA VOITURE
- L’expertise des hommes remise en cause. Les femmes sont de moins en moins nombreuses à demander l’avis de leur entourage masculin lorsqu’elles envisagent d’acheter une voiture : 44% aujourd’hui, contre 62% en 1990. Il y a là le symptôme d’une émancipation de la gent féminine vis-à-vis de l’image de l’homme expert véhiculée des décennies durant au travers de multiples stéréotypes – métiers, sports automobile, publicités… Il n’en reste pas moins que les plus jeunes sont celles qui se soumettent le plus à l’avis masculin avant l’acte d’achat : 55% des 18-24 y ont recours contre seulement 36% des femmes âgées de plus de 50 ans, lesquelles ont gagné au fil de leur de vie une plus grande confiance et autonomie de décision.
- Achat et dépenses liées à l’automobile : l’homme se donne le beau rôle, la femme gagne en contrôle. Malgré tout, la gent masculine garde encore le contrôle sur toutes les décisions concernant le domaine de la voiture, même si la réalité telle que la perçoivent les femmes est quelque peu différente. Plus de 9 hommes sur 10 (94%) assurent que les dépenses auto relèvent de leur décision quand près d’1 femme sur 2 (47%) vivant en couple sous le même toit que son compagnon en revendique le choix. Choix qui s’affirme également de plus en plus lors de l’acte d’achat d’une voiture : 45% des femmes se disent aujourd’hui décisionnaires quand elles n’étaient que 15% en 1994. Autre signe fort de la remise en cause de la domination masculine dans le domaine de l’automobile.
C – LA PERSISTANCE DES CLICHÉS ET STÉRÉOTYPES DE GENRE RELATIFS À LA CONDUITE AUTOMOBILE
- Les femmes se jugent meilleures conductrices. Plus d’1 femme sur 3 (38%) estime que les femmes conduisent mieux que les hommes quand seulement 17% des hommes pensent la même chose. Mais ces derniers sont plus nombreux (67% contre 53%) à ne pas faire de différence entre la conduite des unes et des autres. Mais dans la réalité, les hommes sont effectivement bien plus impliqués et concentrent jusqu’à 95% des délits routiers. Quant à l’origine des accidents de la route, hommes et femmes sont d’accord en 2021 (50 et 51%) pour dire qu’elle est plus masculine que féminine. Un rééquilibrage par rapport à la fin des années 80 où 66% des Français attribuaient la responsabilité des accidents aux hommes.
- Les femmes et les garagistes : le divorce est consommé. Parce qu’elles s’affirment en tant que clientes autonomes et remettent en cause le sacro-saint pouvoir de l’homme sur ce qui touche à l’auto, les femmes perçoivent avec une acuité renforcée le sexisme émanant de ce monde quasi exclusivement masculin qu’est le garage. Près de 9 sur 10 (89%) pensent que leur garagiste les voit comme des clientes faciles à arnaquer (contre 71% en 2008), 7 sur 10 (69%) qu’elles sont considérées différemment selon qu’elles viennent seules ou accompagnées et plus de 6 sur 10 (63%) qu’il pense qu’elles sont de mauvaises conductrices. Et elles sont toujours 71% à penser que leur garagiste les considère comme étant nulles en mécanique. On le voit, les garagistes ont d’énormes progrès à faire pour gagner la confiance de leurs clientes. La féminisation de la profession y contribuera-t-elle ? C’est loin d’être gagné : en 2017, une étude montrait que moins de 1% des femmes s’intéressaient au métier de mécanicienne…
Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle »
La proportion croissante de Françaises ne consultant pas leur entourage masculin ou décidant de l’achat de la voiture du foyer constitue autant de symptômes d’une remise en cause de la domination masculine sur les questions relatives à l’automobile et notamment de l’« expertise » technique qui fut longtemps attribuée de facto aux hommes en la matière. Cependant, force est de constater que tenir le volant reste encore l’apanage des hommes dans la grande majorité des couples, peut-être parce que cet objet de pouvoir et de contrôle est encore trop chargé symboliquement pour que son partage entre les deux sexes ne soit perçu comme une remise en question de leur virilité.
CONTACTS :
François KRAUS, responsable de l’expertise « Genre, sexualités et santé sexuelle » à l’Ifop
Cette étude a été menée sous la direction de François Kraus, directeur du pôle “Politique / Actualités” de l’Ifop, en partenariat avec l’agence Flashs. Pour toute demande de renseignements à propos de cette étude ou pour obtenir des informations quant aux conditions de réalisation d’une enquête du même type, vous pouvez contacter directement François Kraus au 0661003776 – francois.kraus@ifop.com .