Avant que s’ouvre la 3e lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi « bioéthique », l’Ifop a mesuré pour l’ADFH l’avis des Français sur la mesure-phare du projet – l’ouverture de la PMA à toutes les femmes – mais aussi sur d’autres revendications relatives à l’homoparentalité telles que la GPA ou les dons de gamète. Réalisée auprès d’un échantillon national représentatif de 1 000 Français, cette étude confirme l’ouverture croissante des Français à l’idée d’accorder ces droits aux personnes homosexuelles : les résultats témoignant d’un soutien record de la population à l’ouverture de la PMA mais aussi de la GPA pour les couples de même sexe.
1) Un soutien record de la population à l’ouverture de la PMA
Le débat parlementaire sur l’ouverture de la PMA à toutes les femmes s’ouvre dans un contexte des plus favorables à cette réforme : jamais la proportion de Français favorables à l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens n’a été aussi forte : plus des deux tiers d’entre eux se disent aujourd’hui favorables à l’élargissement de la PMA et ceci, que ce soit aux couples de lesbiennes (à 67%) ou aux femmes célibataires (à 67%). Il faut signaler qu’au cours des dernières années, l’opinion publique s’est rapidement décrispée sur le sujet par rapport à ce que l’on pouvait observer durant ce moment d’intenses débats que fut l’année 2013. Tout comme pour le PACS où, une fois la loi votée, l’adhésion des Français avait spectaculairement progressé, l’acceptation de l’homoparentalité féminine s’est rapidement
Depuis le vote de la loi Taubira, le niveau d’adhésion à l’ouverture de la procréation médicale assistée a ainsi bondi de 20 points pour les couples lesbiens (à 67%) et de 10 points pour les femmes célibataires (à 67%). Le différentiel d’adhésion qui affectait les couples lesbiens il y a encore 8 ans (10 points d’écart en leur défaveur par rapport aux femmes seules en 2013) a donc presque totalement fondu. Et en prenant encore plus de recul, cette réduction de l’écart en fonction de l’orientation sexuelle apparaît encore plus spectaculaire si l’on se rappelle qu’il y a une trentaine d’années (1990), le taux d’adhésion à l’égard d’une PMA aux couples lesbiens était deux fois plus faible (24%) que pour les célibataires (53%).
Quels sont les ressorts de la banalisation de l’idée de l’homoparentalité ?
Pour cela, plusieurs temporalités doivent être prises en compte.
– Sur le long terme, elle tient tout d’abord à une plus grande acceptation sociale de l’homosexualité inhérente aux sociétés industrielles avancées affectées par la progression des valeurs « post-matérialistes » (Ronald Inglehart, The Silent Révolution, 1977) à la faveur du renouvellement générationnel, l’amélioration du niveau de vie et la hausse du degré d’instruction. Amorcée à partir des années 1970, cette profonde transformation des attitudes à l’égard des homosexuels s’illustre notamment à travers la proportion croissante de Français estimant que l’homosexualité est “une manière acceptable/comme une autre de vivre sa sexualité” : de 24% en 1973, celle-ci est passée à 54% de 1986 puis à 67% en 1996 pour finir à 85% en 2019. Cette tendance n’a d’ailleurs rien de spécifique à l’hexagone : on la retrouve dans toute l’Europe de l’Ouest au regard des résultats des différents vagues de l’Eurobaromètre ou de l’European Values Survey.
– Sur le moyen terme, les deux dernières décennies ont été aussi le théâtre d’une reconnaissance accrue des modèles parentaux sortant de la norme hétérosexuelle. En cela, l’officialisation des couples homosexuels par les lois de 1999 et de 2013 a fait évolué les représentations à l’égard d’homosexuels jusque-là souvent réduits à leur sexualité, ceci d’autant plus aisément que le climat d’opprobre entourant l’homosexualité les a longtemps incité à séparer strictement leur sexualité du reste de leur vie sociale. Or, la représentation de plus en plus fréquente des familles homoparentales, notamment lors du débat sur le « mariage pour tous », a contribué à changer l’image du couple homosexuel et à en faire un cadre légitime à l’établissement d’une famille.
Au regard de ce graphique, les débats autour du PACS à la fin des années 1990 (1999), du mariage gay au milieu des années 2000 (« mariage de Bègles ») puis de l’adoption en 2012/2013 ont bien eu un impact sur l’opinion publique : la reconnaissance de leurs droits sur le plan juridique se traduisant toujours ultérieurement par une plus grande reconnaissance sociale. Et ce regain d’acceptation de l’homoparentalité transparaît d’ailleurs bien à travers le degré d’adhésion au droit à l’adoption qui atteint un niveau inégalé : 57% en 2015, soit 8 points de plus qu’au plus fort du débat autour de la loi Taubira (22-24 janvier 2013).
– Enfin, à court terme, si les huit dernières années ayant suivi le vote de la loi Taubira ont vu l’opinion publique se décrisper sur tous les sujets relatifs à l’homoparentalité, il faut sans doute aussi y voir les effets politiques de la dernière élection présidentielle : les opposants à la PMA ayant été surreprésentés dans les rangs des grands perdants de l’élection (François Fillon, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan). Et depuis, les avis de différentes institutions comme le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) en 2017 sur la PMA ou de la Cour européenne des droits de l’homme sur la filiation des enfants nés à l’étranger par GPA (2019) n’ont pu que légitimer dans l’opinion ces revendications portées par les LGBT.
2) Pour la première fois de l’histoire, un soutien majoritaire des Français à la légalisation de la GPA pour les couples gays !
Pour la première fois en France, plus d’une personne sur deux (53 %) se déclare favorable à l’ouverture de la Gestation Pour Autrui aux couples homosexuels (+12 points depuis 2014). Cette progression poursuit la dynamique de reconnaissance accrue des modèles parentaux sortant de la norme hétérosexuelle actée par l’ouverture du mariage à ces couples. Cette tendance s’accompagne d’ailleurs d’une acceptation croissante de l’idée que les couples homosexuel(le)s avec enfants constituent « une famille à part entière » : une opinion partagée par 70% des personnes interrogées (+ 9 points par rapport à 2014). Dans cette même logique, les trois quarts des Français (74%) sont favorables à la reconnaissance, par l’Etat civil français, d’une filiation établie par l’état civil du pays de naissance de l’enfant, un chiffre également en progression de 5 points par rapport à 2015.
3) Un largement assentiment à la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes
Contrairement à ce qui est autorisé aujourd’hui, 73 % des Français interrogés se disent « personnellement favorables à ce que les enfants conçus par un don de gamètes aient le droit d’accéder, à leur majorité, à des informations sur l’identité du donneur », soit un chiffre stable par rapport à 2019 (-2 points) et renforcé par la part importante des répondants (25 %) y étant « tout à fait favorable », particulièrement auprès des personnes homosexuelles (43 %).
Le point de vue François Kraus, directeur du pôle genre, sexualités et santé sexuelle de l’Ifop
L’élargissement de la PMA à toutes les femmes ne constitue pas aujourd’hui un risque d’opinion pour le gouvernement. L’analyse des dernières enquêtes disponibles sur le sujet montre non seulement un large soutien de l’opinion mais aussi une adhésion de la majorité des électeurs soutenant les forces politiques de la majorité gouvernementale. Au regard de ces données d’opinion et d’un contexte marqué notamment par l’éviction (ou l’affaiblissement) des personnalités ayant incarné la lutte contre la loi Taubira, les associations en pointe dans la lutte contre la PMA risquent d’apparaître d’autant plus esseulées que ce dossier a été habilement disjoint de celui de la GPA. In fine, la décision du gouvernement de ne le voter qu’en fin de mandat tient sans doute à la volonté de présenter cette réforme de société comme un marqueur « de gauche » un an avant l’élection présidentielle.