De nombreuses manifestations de solidarité ont pu être observées en France depuis le début de la crise du Coronavirus. En témoigne ainsi, le soutien adressé au personnel soignant ou encore les transferts de patients des territoires les plus touchés vers les régions les plus préservées. La crise sanitaire a aussi propulsé sur le devant de la scène plusieurs professions d’ordinaire invisibles qui se sont révélées d’une importance cruciale pendant l’épidémie. Au-delà de ces manifestations de fraternité, la crise a également parfois généré des réflexes de repli et des comportements individualistes, voire égoïstes. La période que nous traversons, interroge donc sur l’état des solidarités dans notre pays et plus généralement sur le rapport à l’autre. Afin d’apporter des réponses à ces interrogations, le Labo de la fraternité s’est associé à l’IFOP pour réaliser une nouvelle enquête dans le cadre de son baromètre de la fraternité. Cette enquête a été menée du 17 au 22 avril auprès d’un échantillon de 1017 personnes, représentatif de la population française. En voici les principaux enseignements :
La France est davantage perçue par ses habitants comme étant un pays de solidarité
C’est le premier enseignement de cette enquête, 68% des Français estiment désormais que la France est un pays solidaire, soit une hausse de 8 points en un an. Le pays est aussi davantage perçu comme étant fraternel (+ 5 points), même si cette opinion n’est partagée que par 6 Français sur 10 (59%).
La diversité est la première dimension la plus associée à la France (91%, + 7 points depuis 2016), devant la liberté (77%, + 7 points depuis 2019), la générosité (68%, – 1 points), la tolérance (66%, + 2 points) ou l’ouverture d’esprit (65%, + 2 points). Enfin, comme les années précédentes, les Français se montrent beaucoup plus partagés quant au caractère égalitaire du pays (45%).
Les Français sont plus nombreux à estimer que la diversité est une bonne chose
De façon stable par rapport aux précédentes enquêtes, la « diversité » est avant tout perçue à travers un prisme ethno-culturel. Près d’un Français sur deux associe cette notion aux origines ethniques (54%) ou aux origines culturelles (45%). Viennent ensuite à l’esprit des sondés : les origines sociales (37%), la diversité en termes de nationalités (33%) ou de convictions religieuses (31%). L’orientation sexuelle n’est évoquée que par un Français sur cinq mais est de plus en plus citée : 10% (2016), 13% (2018), 16% (en 2019) et 19% (en 2020).
Le jugement positif exprimé à l’égard de la diversité connait en 2020, une nouvelle hausse : 83% des Français estiment que la diversité est une bonne chose (+ 2 points par rapport à 2019 et + 7 points par rapport à 2016). Par ailleurs, un tiers des Français estiment désormais qu’il s’agit d’une très bonne chose (33%) alors que ce jugement n’était partagé que par un quart de la population un an plus tôt (26%).
Comme en 2019, la diversité suscite des jugements partagés : si les Français s’accordent largement pour dire qu’elle ouvre notre société sur le monde (77%, + 5 points), qu’elle est enrichissante pour les individus (75%) ou encore qu’elle favorise la créativité (73%), ils sont aussi près d’un sur deux à estimer qu’elle génère des politiques favorisant les minorités au détriment de la majorité (52%) ou qu’elle les inquiète (44%).
Des Français davantage enclins à aider leurs prochains qu’ils les connaissent ou non
L’attitude de méfiance à l’égard d’autrui prévaut toujours en France avec deux tiers des Français qui estiment « qu’on n’est jamais assez prudent quant on a affaire aux autres (65%) » contre un tiers qui pensent au contraire « qu’on peut faire confiance à la plupart des gens » (31% et 4% qui ne se prononcent pas). Ce rapport de deux tiers/un tiers est stable par rapport à la première mesure réalisée en 2018.
Dans le détail, ce sont surtout les jeunes (70% parmi les – de 35 ans), les ouvriers (77%), les habitants des villes isolées (75%) qui expriment de la méfiance. Le plus haut niveau étant observé sur ce point parmi les sympathisants du RN (92%).
Si donc la méfiance prévaut toujours au sein de la population, les Français déclarent toutefois significativement plus qu’en 2019 se sentir la responsabilité d’apporter leur aide aux personnes en difficultés qu’ils les connaissent ou non (29%, + 7 points). A l’inverse et bien que toujours majoritaire, la proportion de Français se sentant la responsabilité d’apporter avant tout leur aide aux personnes qu’ils connaissent recule de 5 points (56%). De la même manière, la proportion de Français ne se sentant pas de responsabilité particulière vis-à-vis d’autrui accuse aussi un recul (12%, – 3 points).
La collaboration et l’action collective avec des personnes différentes est davantage jugée indispensable
En phase avec l’opinion plus favorable portée sur la diversité, les Français sont aussi plus nombreux à juger indispensable de collaborer avec des personnes différentes (en termes d’origines sociales, de convictions religieuses, d’origines ethniques…). Ils sont ainsi un tiers à penser que c’est indispensable (32%) contre un quart en 2019 (26%). Par ailleurs, 45% pensent que c’est important mais pas indispensable, 16% estiment que c’est secondaire et seulement 4% indiquent que c’est inutile (- 4 points par rapport à 2019).
Relevons enfin que les Français sont aussi plus nombreux qu’en 2019 à se déclarer prêts à collaborer davantage avec des personnes différentes (77%, + 7 points dont 27% « oui, certainement »).
Une large adhésion à un principe de transfert des patients
Au-delà du suivi des indicateurs barométriques, cette nouvelle enquête s’est attachée à comprendre dans quelle mesure s’étaient manifestées les solidarités pendant le confinement. A cet égard, l’adhésion au principe de transfert médical des patients constitue un indicateur intéressant. 85% des Français se déclarent favorables à l’accueil de patients venant d’autres régions, vers l’hôpital le plus proche de chez eux et ils sont mêmes 51% à s’y déclarer tout à fait favorables.
Une multiplication des actions de solidarité
Une proportion significative de Français a participé à des actions fraternelles pendant la crise. 72% des sondés indiquent ainsi avoir téléphoné à une personne isolée de leur entourage pour s’assurer qu’elle allait bien. 40% indiquent avoir applaudi à 20 heures le personnel soignant et ils sont un tiers à déclarer avoir fait les courses pour une personne âgée (32%). Enfin, si assez logiquement, la garde d’un enfant du personnel soignant (7%) ou l’aide aux agriculteurs (7%) concerne moins d’un Français sur 10, ces derniers sont près d’un sur deux à déclarer qu’ils aimeraient le faire.
Des Français très partagés concernant l’impact de la crise sur la cohésion nationale
L’effet de la crise du Coronavirus sur la cohésion du pays divise les Français : 46% estiment qu’elle va renforcer les replis, c’est-à-dire pousser les Français à se replier sur eux-mêmes, leurs familles ou leurs communautés. A l’inverse, ils sont 44% à penser qu’elle va renforcer la cohésion nationale (10% ne se prononcent pas).
Alors même que la crise du Coronavirus pouvait laisser craindre la multiplication d’actes égoistes et à des comportements de repli, les résultats de cette enquête montrent au contraire, qu’elle contribue – au moins pour une partie de la population – à renforcer les comportements fraternels et solidaires. La guerre contre un « ennemi invisible » concourt peut-être aussi à reléguer au second plan certains clivages qui traversent la société française. L’avenir post-épidémique permettra de dire si les solidarités nouvelles nées de la crise perdurent ou au contraire si le « monde d’après » est comme le monde d’avant, mais en pire.